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 Je suis angoissé, très angoissé. Dans quelques jours je vais quitter mon lieu de séjour, un lieu où j’ai tous mes repères, toutes mes habitudes bien organisées, bien assurées.

Je vais partir une semaine environ, dans un autre lieu, pas très loin, un petit appartement, mais que je ne connais pas, où rien ne me garantit que je vais retrouver les repères essentiels à l’équilibre de mes journées.

Les pièces seront agencées différemment, même si la surface sera relativement la même. L’environnement sera équivalent et sans grande surprise.

Le village sera le même, en bas plutôt qu’en haut, mais la différence peut avoir le charme de la nouveauté en regardant par la fenêtre un autre sommet que celui immobile, toujours là, visible, sauf les matin de grande brume.

Les promenades seront les mêmes, le nouveau départ se fera simplement à quelques centaines de mètres de distance de l’ancien. Et souvent, elles passent devant l’un et l’autre de ces lieux, dans un ordre qui sera simplement différent.

Les voisins seront différents, mais chacun reste chez soi et on ne se croise que rarement, au détour d’un chemin ou à la superette.

Rien de tout cela ne semble bien grave et encore moins alarmant. Bien au contraire, ce petit changement, temporaire qui plus est, pourra être source de curiosité, de découverte, petite, mais réelle, d’un autre point de vue, d’un autre environnement. Rien dans tout cela qui puisse être cause d’anxiété et encore moins d’angoisse.

Certes il va falloir transhumer, c’est à dire ranger les affaires, faire les bagages et transférer le tout, ni trop, ni trop peu, d’un lieu à un autre. C’est-à-dire y penser, charger et décharger la voiture. Tout ce que je n’aime pas et que la répétition au fil du temps, des années, des décennies n’a qu’à peine rendu plus facile et supportable.

Non, le source de l’angoisse n’est pas là.

Elle est dans un rituel, celui du lever, du petit déjeuner. Le café avec une autre cafetière — mais qu’importe — sera bien là, tartines ou céréales aussi, dans des vaisselles différentes — mais qu’importe.

Non, ce qui va être terrible, douloureux, déstabilisant, et finalement angoissant, c’est que, sauf miracle, il n’y aura pas de balance, de pèse-personne, dans ce lieu anonyme et dépersonnalisé. Impossible, sitôt levé de monter sur cet objet magique qui donne objectivement et impitoyablement, sans l’ombre d’un sentiment, son verdict sur le comportement, fautif ou pas, de la veille, et sa prescription, suivie ou non, pour la journée à venir. Un véritable abandon, un inimaginable manque.

Voilà pourquoi je suis angoissé. Je pense même, honteusement, à glisser la balance dans le fond de mon sac. Mais quelque chose me retient de le faire. Un vieux fond de culpabilité qui me regarde et me juge ? Quelque chose comme ça qui préfère me laisser à mon  manque plutôt que d’en assumer le soulagement quelque peu indigne d’un adulte éduqué et qui n’est même pas dupe de l’inutilité de son comportement absurde et dépendant.

Aller, je vais prendre cela comme un épreuve, la treizième épreuve du parcours du héros (ou la première, je suis modeste, mais vraiment herculéenne).

Pensez à moi !

Tag(s) : #Textes des auteurs
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