Sur le plateau noir de l’électrophone cabossé de mes presque quinze ans, tournait sans fin le quarante-cinq tours gondolé des Équarrisseurs. Leur musique destroy — hard rockeurs ou métalloïdes avant-gardistes des violences déchainées —, faisait tanguer de droite et de gauche la procession incessante de mes sombres pensées dans mon corps et mon esprit gelés. La baie de la mer du Nord, perpétuelle embrumée, était le seul horizon possible, la seule limite imaginable, de mes baguenaudages mentaux, ratatinés, désespérément, sur la seule contemplation d’eux-mêmes. Elle m’appelait, comme la voix insatiable de Charybde, à venir m’immerger dans le gouffre avide de son eau glacée.