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Cela fait maintenant trois longues années que régulièrement Charles vient s’allonger dans ces fauteuils pour plusieurs heures d’affilée. Certains jours, il est confiant et se dit que tous ses efforts en vaudront la peine mais parfois, comme c’est le cas aujourd’hui, il croit que toutes ces séances de chimiothérapie ne font qu’empoisonner le peu de temps qu’il lui reste. Il lui apparaît injuste de s'être retrouvé dans cette situation, lui qui a toujours fait attention à sa condition physique, son alimentation, à l’exercice physique régulier, à avoir de saines habitudes de vie. Malgré tout, il a gagné à la loterie de la maladie. Certes le mot « incurable » n’a jamais été prononcé, il soupçonne que ça fait partie des encouragements dont on l’abreuve. Aujourd’hui, décidément, côté moral, ce n’est pas la grande forme. Tous les jours, il repense à sa vie, celle d’avant ce diagnostic. Il a dû mettre en veille ses nombreux projets et ignore s'il pourra les réaliser un jour. Sa carrière était prometteuse, sa situation financière allait, il était amoureux, les voyages étaient sa passion, aller à la rencontre de l’autre, découvrir de nouveaux espaces, connaître d'autres cultures, en fait tout ce qui le nourrissait est disparu comme par enchantement. Maintenant, tout cela s’est envolé et il ne vit qu’en fonction de sa condition de malade. Son amour s’en est allé, incapable de côtoyer la maladie et de renoncer à ses propres envies. Il comprend combien la situation a été difficile pour elle. Elle l’aimait, il le sait, mais l’homme qu'elle aimait n'est plus. Il a fait place à un malade dont la longévité a fondu au soleil. Il se sent seul, abandonné, découragé et pourtant pas une seule fois il n’a raté ce rendez-vous avec le poison qu’on lui injecte dans les veines. Il subsiste encore au fond de lui, même s’il est minime, cet espoir de retrouver la santé et de mordre à pleines dents dans la vie.

Pour l’instant, il se laisse entraîner dans le sommeil, la fatigue extrême l’envahit chaque fois que son corps reçoit cet élixir empoisonné. Heureusement, la musique, sa fidèle amie, est à ses côtés chaque fois qu’il a besoin de se détendre. Le voilà parti pour une accalmie de quelques heures, bercé par la musique.

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Chaque mercredi, Gaëlle se rend à l'hôpital. Depuis sa naissance, opérations et traitements se sont succédé sans lui laisser de répit, elle qui n'a que 6 ans. Malformation cardiaque et insuffisance pulmonaire, ses premiers cadeaux de la vie, elle devra conjuguer avec les séquelles pour le reste de son existence. Malgré tout, c’est une combattante, une résiliente, une boule de joie de vivre et de bonne humeur. Envers et contre tous, elle garde le moral car son but ultime et elle y croit très fort c’est d’arriver à faire tout ce dont elle a envie. Courir, faire de la bicyclette, nager, avoir des tas d’amis, aller au parc, faire du sport sans jamais être à bout de souffle, aller à l'école régulièrement et ne plus faire de longs séjours en pédiatrie. Elle rêve de voir ses parents sourire et s’amuser, ne plus voir l'inquiétude et la tristesse sur leurs visages. Elle croit très fort que ce jour arrivera et qu’enfin ils deviendront tous les trois une famille où le cœur est à la fête et où la maison tremble par les rires et les cris de joie. Garder espoir suffit à la rendre joyeuse.

Aujourd’hui, après son traitement, sa mère a été invitée à une rencontre avec ses médecins spécialistes, elle lui demande de l’attendre sagement. Gaëlle trouve cette rencontre plutôt longue, elle s'ennuie un peu et décide d’aller se promener un peu. Elle se retrouve dans le département d’oncologie situé juste à côté de la salle d’attente où elle était. Petite curieuse, elle entre dans la salle des traitements de chimiothérapie. Elle ne connaît ni cette maladie ni les termes qui s’y rattachent. Elle remarque que tous les malades sont accompagnés sauf un. Un homme seul, endormi. C’est triste que personne ne l’accompagne, pense-t-elle. Elle s’approche de lui, monte sur la chaise destinée aux accompagnateurs. Elle l’examine, l’observe, elle se demande bien ce qu’il a. Ça tombe bien une infirmière vient vers eux. « Qu’est-ce qu’il a le monsieur ? » dit-elle.  « Il est très malade, dit l’infirmière, il a un cancer. » Et Charles d’ouvrir les yeux. Surpris par la présence de la petite fille, il sursaute. « Que fais-tu là petite ? » « Je suis venue te tenir compagnie puisque tu es tout seul ! » Il lui explique que c’est gentil mais qu’il n’est pas de très bonne compagnie aujourd’hui. Et la voilà qui lui raconte sa difficile naissance, sa maladie, ses opérations, ses traitements, ses hospitalisations et … sa bonne humeur. Pas de temps à perdre à être triste, lui dit-elle. Tant qu’on est en vie, on est en vie, il faut en profiter. Et la voilà qui chante, qui lui raconte des blagues, qui fait des grimaces, qui se cache et réapparaît en riant. Et ça marche, elle réussit à le faire rire.

« T’es une sacrée petite bonne femme toi dis donc ! »

La mère de Gaëlle finit par la retrouver en grande conversation avec l’homme malade. Une amitié vient de naître, une enfant de 6 ans a conquis le cœur d’un homme malade et découragé. Avec l’accord de la mère, ils échangent leur numéro de téléphone et se promettent de s’encourager mutuellement. « Chaque fois que tu seras peiné et en manque d’espoir, tu m’appelles hein ? » lui lance Gaëlle. « Moi, de la bonne humeur j’en ai plein et j’adore la partager. »

Elle doit maintenant partir et rentrer à la maison, elle laisse Charles derrière elle, un homme dont le moral a monté d’un cran ou deux. Par sa seule présence, par sa joie de vivre mais surtout par sa grande résilience et sa sagesse, elle a réussi un petit miracle. Elle a donné à Charles une grande leçon de vie.

Aujourd’hui, en oncologie, un ange est passé !

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