Je n’ai aucune idée de ce que je pourrais écrire sur le sujet, je ne vois aucune photo, aucun personnage, aucun objectif.
Quant à être un photographe à l’objectif non subjectif, je ne vois pas comment m’y prendre, non !
On se fout de nous dans cet atelier, on se fout de nous !
Mon écran allumé à 6 heures pour cause d’insomnie, me voici à pied d’œuvre.
Je réponds aux mail les plus urgents.
Puis aux moins urgents.
Je tente un retour sur les textes des plus courageux, ceux qui ont le temps, l’inspiration, le génie, ceux qui réagissent au quart de tour sur une proposition, n’importe laquelle, même la plus incongrue.
Mais moi, là, je sèche !
Mon clavier blanc, mon écran bleu, (tiens ça me rappelle quelqu’un qui avait comme moi des insomnies, et - contrairement à moi – du génie.)
Je me souviens quand il est mort, il y a dix ans, j’étais en stage clown, tout le monde s’en fichait, j’étais triste. Il y en avait même qui ne savait pas qui c’était. Le chanteur français, Claude Nougaro.
Il était plein de jeux de mots, Nougayork, qu’il trouvait peut-être inscrits sur l’écran noir de ses nuits blanches, quand il faisait son cinéma ....
Moi, je le vois toujours en noir et blanc sur une scène enfumée, la sueur dégoulinant sur son front, ses joues, ses lèvres.
Toute petite, il m’énervait, je ne comprenais pas ce type aux petits yeux de fouine, qui chantais je suis saoul, saoul, sous ton balcon, con con, comme Roméo, oh oh , Marie-Christine.
Et ma grande sœur, qui savait tout, à qui je pouvais tout demander, m’avait expliqué cet homme qui buvait à la place d’aimer.
Plus tard, bien plus tard, j’ai compris et j’ai écouté les mots forts, les mots fous, les mots doux de ce grand artiste.
Céci-i-le, ma fi-i-lle est devenue Cécile, ma fille et puis un jour, il s’en est allé, j’étais en stage clown, j’étais triste sans trop savoir pourquoi, c’était une partie de moi qui s’en allait, une partie de mon enfance, de mes souvenirs, de mes espoirs et de mes désirs.
Les artistes savent-ils qu’il sont à ce point dans la vie des gens, dans leur joie, dans leur peine, dans leur secret les plus enfouis ?
Tel des photographes, témoins de nos bonheurs, surtout de nos bonheurs.