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Quand on partait de bon matin

Quand on partait sur les chemins

A bicyclette

Nous étions quelques bons copains

Y avait Fernand y avait Firmin

Y avait Francis et Sébastien

Et puis Paulette…..

 

A chaque fois que j’enfourche mon vélo, cette chanson me revient à la tête, comme une rengaine, et je me souviens.

 Paulette est décédée, il y a quelques années déjà, la mémoire en lambeaux, ses souvenirs hachés menus, passés à la moulinette d’Alzheimer. Pourtant, quand nous étions ados, elle retenait tous les airs à la mode, et les paroles aussi.  C’était elle qui chantait le plus fort, à tue-tête, à bicyclette. C’était toujours elle qui menait la danse, elle qui décidait des directions à prendre, qui décrétait quel nouvel endroit visiter. Elle pédalait, elle riait, elle tombait quelquefois à force de faire l’andouille dans les descentes. Ses longs cheveux corbeau volaient au vent, laissant derrière elle comme un sillage. Quelquefois une poussière dans l’œil l’obligeait à arrêter. C’était toujours Firmin qui s’agenouillait auprès d’elle et lui nettoyait délicatement le visage. Ah, Firmin ! Toujours prêt à aider les autres, une bonne pâte comme aurait dit ma grand-mère. Jamais un mot plus haut qu’un autre, et son sourire lui donnait presque un air benêt. Il était toujours de bonne humeur, d’accord avec tout le monde et ne se fâchait jamais. Il était toujours dans l’ombre de Paulette, guettant ses faveurs. Puis Firmin s’engageât et pris les armes. Les volets bleus de sa petite maison restèrent longtemps fermés, la vigne vierge et le lierre prirent possession des façades. Seule, Paulette venait encore cueillir quelques roses, les premières années, avant que la végétation n’ait complètement envahie le lopin de terre.

Quant à Fernand, toujours à la traîne sur son vélo, il nous rejoignait toujours, bien après que nous ayons posé nos vélos dans l’herbe et déplié la couverture pour le pique-nique. Malgré son embonpoint, il mettait un point d’honneur à faire les mêmes parcours que nous, à nous suivre partout quelque soit la météo ou l’heure. Il arrivait essoufflé, rougi par l’effort, mais content de l’avoir fait. On savait bien que de temps en temps, il mettait pied à terre pour finir une côte, mais jamais nous ne l’avions charrié là-dessus, car il se chargeait toujours du pain. De belles miches de campagne, qui sortaient du four à bois que son père faisait ronronner tous les matins. C’est Fernand qui a repris la boulangerie de son père, puis son fils, Ferdinand, et maintenant son petit-fils Franck, une affaire qui est toujours resté dans la famille, même si avec les rénovations successives, la rutilante boutique actuelle ne ressemble plus du tout au fournil où nous allions chiper les croissants.

Les jumeaux, Francis et Sébastien, quant à eux, se ressemblaient tellement qu’il était bien difficile de ne pas se tromper. Ils en jouaient, d’ailleurs, s’amusant à se faire passer l’un pour l’autre, au grand désespoir de leur père qui, depuis leur naissance, ne cessait de les confondre. Seule leur mère y arrivait. « L’instant maternel » plaisantait-elle. Joyeux bout-en-trains, Francis et Sébastien amenaient de l’ambiance et réchauffaient toujours l’atmosphère par leurs blagues et leur optimisme. Tous deux sont montés à la capitale pour faire fortune. On n’en entendit plus jamais parler d’eux.

Et moi ? J’ai fini par épouser Paulette, car Firmin n’est jamais revenu, nous avons eu trois enfants : deux filles et un garçon qui ont eu à leur tour des enfants, qui chantent à bicyclette, à tue-tête, sur les chemins.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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