Chaude-pisse et l’une de ses premières concubines, Syphilis, avaient été bannis, à leur grande joie, du Royaume de Ch’touille pour avoir voulu s’aimer en tout bien tout honneur, dans la pure tradition de leurs ancêtres : sans qu’il n’y ait jamais eu de relations charnelles entre eux.
Ce Royaume quelque peu particulier, avait en effet en son temps connu la gloire pour ses pratiques sexuelles libertines. A une certaine époque même, on y affluait de tout le comté, voire de régions très lointaines, à la seule condition pour pouvoir y vivre d’être libre sexuellement et ce, jusqu’à la fin de ses jours. Ch’touille n’était autre qu’une forteresse où l’on pouvait rentrer librement mais sans jamais en ressortir, sauf les pieds devants.
Mais rapidement, ce Royaume se transforma en une vaste fourmilière de bactéries qui rongeaient même jusqu’aux frontispices des églises. Et certains habitants commençaient à user de tous les stratagèmes pour pouvoir en sortir. L’histoire ne dit pas comment nos deux amoureux avaient été bannis, mais ce qui est sûr, c’est que Chaude-pisse et Syphilis avaient fui, main dans la main, laissant derrière eux et à même le sol tripailles et ventrailles de corps décimés par la maladie. Pour échapper aux traverses d’un long calvaire annoncé, ils avaient décidé de déguerpir au plus vite avant que le charismatique Chef Ch’touille ne fasse le nécessaire pour les asservir à leur tour.
Nous avons retrouvé la trace de nos deux tourtereaux dans un petit village situé à de nombreuses lieues du Royaume de Ch’touille, sous les doux noms de Geoffroy et Pétronille où ils coulèrent des jours heureux, s’aimant toujours d’amour et d’eau fraîche, vivant de la culture du chanvre et de quelques frondes de plantes aromatiques. Mais ils n’avaient jamais oublié d’où ils étaient venus, et certains soirs, emmitouflés dans leur cocon douillet, ils entonnaient quelques litanies plaintives, en souvenir de leurs anciens camarades.