Comme un très long voyage.
La photo
De ton visage
est un beau paysage
qui défile
sur le long fil
de ma vie
comme le souvenir
des lointains voyages
où tu ne fus pas
et que je fis sans toi.
La photo
de ton visage
et de tes yeux
où se reflètent
en leur azur
chacun de mes étés
chacun de mes hivers
toutes mes saisons d’hier
et nos printemps futurs :
mes pluies et mes orages
mes plaisirs et mes peines
et sous mes ciels de traîne
tous mes déserts arides
tous mes désirs avides
vécus en chaque mot
cachés en chaque image
en chaque ligne
de mes livres.
Je lis sur ton visage
sur ta peau douce et nue
comme la double page
de nos vivants rivages
l’extase de nos corps
en nos gestes accomplis.
Entre mes jeunes rides
les calmes étendues
de mes ondes dormantes
et les matins frileux
de ta tendre impatience
où je m’endors heureux.
Personne mieux que toi
ne sait
me déchiffrer
me deviner
me devancer
et me séduire
ni aussi bien
tourner la clé
de mes envies
ouvrir en grand
les portes
de ma survie
où je m’engouffre
à plein coeur.
Ton visage
nébuleuse
dans le ciel
de ma vie
où passent des oiseaux
témoins zélés
de nos sages folies.
La photo
de ton visage
est un beau paysage
comme un très long voyage
que je veux faire
avec toi.
Cloclo
***
Voyage au bout des mots.
« Je m’appelle Ellipse ; je viens vous chercher et vous emmener là-haut, je vous prends par la main, suivez-moi…
Mon détour de la réalité vous sera suave, je l’espère, je souhaite faire ce voyage avec vous, je suis impatiente, ma voix est claire, mon invite, légère. Aérienne, vaporeuse. Presque fortuite. Pour votre plus grand plaisir. »
Cette voix enveloppante escalade la petite colline de lettres à Rhet-Orik, où est juché le livre-refuge en toit de parchemin. Les oiseaux-signes sont joyeux, ils aiment cette petite voix qui inonde leur parcours linguistique journalier. Comme un petit repaire-référent dans laquelle tout est rangé, l’endroit est propre, les bannes d’une couleur bleue encre. Dès l’entrée, une lueur boréale accueillante vous grise, des portemanteaux en signes de ponctuation sont arrangés çà et là pour permettre de tomber la veste de la ville, du monde de là- bas, de la déconstruction télévisuelle. Les enfants préfèrent habituellement le point d’interrogation, ils peuvent mieux accrocher leurs habits avec le point.
Pas d’obligation, pas de contrat, seule la volonté d’osmose avec les mots. Les sièges presque transparents en polychrome de nuage sont alignés en lettres de l’alphabet.
Bien rangés, tombant sous le sens. Il n’y a de file d’attente que pour celui ou celle qui marque de l’impatience, pour les autres leur calme est récompensé, ils trouvent très vite place. Quand on s’assied, une main légère et caressante vient câliner le crâne, avec quelques points de massage quand le stress est patent. Ce complément s’effectue sans qu’il soit besoin d’appeler, naturellement, seul le pouvoir cérébral domine et le seul but est la quête du repos à Rhet-Orik.
Le repos pour soi et donné aux autres en offrande.
Avec le mot.
« Maman, je voudrais savoir pourquoi papa est parti avec Mr Young » dit le petit émile.
Comme ce monde n’est là que pour le merveilleux, les questions et ses rouages filent comme des métaphores. Des métaphores filées. Quand une question surgit, un petit trait d’union s’enfuit alors vers les cimes pour nourrir une autre interrogation. Comme une fleur. Pas de cahot, pas de ride, tout est clair comme un ruisseau en avril. Comme une eau limpide, bénéfique, sacrée.
La petite voix dialectique encore : « Je désire vous susurrer mes phonèmes poétiques pour cambrer votre âme, qu’elle soit affable aux émotions qui sonnent, résonnent, conjurent tous les actes de votre vie. Afin de la recouvrir d’une douce encre délicieuse et exquise. Un onguent qui la tapisse. Avec vous. Avec des bontés tout au coin des termes : je vous invite avec moi à faire le voyage au pays des mots, de la propagation du sens.
Je vous présente pour cela notre omnibus couleur horizon : il se nomme Bibliothérapie.
Prenez vos sièges, n’essayez pas toutefois les petits leviers, leur soudaineté vous ferait, en cas de mauvaise manipulation, retrouvez le mot FIN plus vite que ne pourriez le supporter. Vous seriez obligé alors de gagner notre service d’Infirmerie afin de vous soigner d’être allés si vite dans la sémantique, dans la syntaxe. Quelques petits sèmes dénotatifs pourraient endommager votre système limbique. Détendez vos doigts sur les pages juste devant vous. Je vous emmène.
Soyez attentifs.
L’horizon s’ouvre maintenant sur une parenthèse : vous êtes dans le département
Mise en Abyme. Avec ce procédé des arts visuels, arrangez vos lunettes d’analyse.
Poussez-les bien contre votre nez, cette optique vous est nécessaire. Elle vous permet de lire dans l’angoisse qui règne dans le département qu’il faut absolument décrypter en tentant d’y poser les mots comme des cataplasmes. Sur les maux de la réalité dont on ne se débarrasse pas.
In praesentia, un enfant s’arrange avec son sort. Tableau clinique simple pour la description, pas pour la souffrance. Des sentiments et des situations touchant à des circonstances de vie et des désirs de changement d’adulte avec l’enfance en prime.
L’enfance qui pend comme une langue qui a soif et qui cherche une fontaine, un refrain de vie. Volutes playmobil. Livres griffonnés.
Une salle d’attente où les couplets se chantent d’une voix étriquée. Un divorce, la maman est partie, a préféré une autre vie, ailleurs, ailleurs…L’enfant est blond, charmant et seul avec sa peur il faut d’urgence chercher le mot, celui qui rassure. Le mot juste pour à nouveau espérer, respirer.
Mot-valise. Pas de prise.
Faut trouver le transitionnel, pour formuler les tensions qui surgissent.
Je vous demande pour cela de lancer d’un seul jet, les mots que vous pensez correspondre à son réconfort. Soyez attentifs aux pièges de l’homonymie. Ils sont de taille. Et sur le nombre de mots, ce ne sont pas des molécules d’allothérapie, d’une chimie approximative. Ils doivent être lancés au bon moment sans donner l’impression d’une quelconque impuissance, d’une moindre hésitation. Grand bien vous fasse si vous parvenez à introduire la réflexion autour d’une proposition de livre pour affiner l’expression des émotions qui surgissent.
Pour un Réamorçage. Autre département, autre phase de la découverte du pays .Dans le langage de Rhet-orik, il donne davantage de force à la sensation de trouble qui se dégage.
Regardez. Laurence, une petite fille aux couettes colorées par des chouchous de lavande, regarde le ciel de la fenêtre de sa chambre. Elle est très inquiète pour la santé de sa maman qui se meurt à l’hôpital sous les coups de son époux. De son père. Laurence pleure.
Dès que le virage sera amorcé, je vous invite à écrire quelques rimes et à les absorber, à les engloutir avec délectation ; pour les embaumer, vous avez pour cela divers goûts à votre disposition, juste à votre droite : des sucres d’orge de cannelle, des aiguillons de pain d’épice et autres douceurs. Lorsque vous les aurez avalés, permettez-leur de sortir de votre bouche par votre haleine érudite. Soufflez en direction de Laurence afin d'entreprendre, d’amorcer des interactions récurrentes, comme prises de conscience possibles. Les rimes ainsi dégagées seront en analepse et permettront l’interaction avec son passé. Plusieurs vers sont nécessaires à intervalle régulier. Ne laissez pas trop de béance entre eux.
Nous allons redescendre maintenant, vous pourrez reprendre vos occupations consuméristes dès la sortie du village mais avant, je vous serai grée de répondre, si vous le voulez bien, à la question suivante : la littérature de jeunesse occupe-t-elle une place particulière dans la construction des discours sur l’Autre ? Ne répondez qu’à votre sortie car si votre réponse est faite sur notre lieu, une jolie métaphore en filera… »
Un nuage rose passe en ce moment sur le village de Rhét-orik. Laissons-le passer.
Daïna
***
Voyageuse littéraire.
Nul besoin de passeport ou de bagage, c’est avec les vêtements qui pour l’heure m’habillent que je voyage.
Sans encombre j’ouvre la couverture reliée, l’unique porte de cette envolée avant le grand départ. Mais d’abord, je fais sa connaissance. Son jambage, sa feuillure… La touchant doucement, du bout des doigts, pour ne pas l’effaroucher. L’amadouer, afin qu’elle m’autorise à pénétrer dans son antre et à en découvrir tous les secrets. J’en hume les senteurs, carton pressé ou cuir vieilli, en flaire les somptuosités qu’elle me réserve…
Quand enfin je la sens soumise, je la coulisse et m’y glisse.
Confortablement installée, à califourchon sur un « t », en balancelle sur un « o », ou en amazone sur un « i », je vogue sur les méandres mystérieux de ce « toi » qui m’appelle et m’invite à me mettre en mouvement. J’adopte tantôt une vitesse de croisière, tantôt l’allure d’une fougueuse cavalière. Au fil des longues phrases, je m’arrête à l’orée d’un mot, puis d’un autre, cueillant çà et là les bribes d’un paysage envoûtant, les vestiges de demeures somptueuses…en saisir le sens, en goûter l’usité.
Face à un style hachuré j’accélère au contraire la cadence, avide de connaître le dénouement. Je m’adapte à la ponctuation, reprenant mon souffle à chaque postillons d’encre, sautillant à cloche-pied sur les points de suspension, m’étirant jusqu’au point d’exclamation, délassant mon dos au point d’interrogation, sautant le plus haut possible pour attraper les guillemets, m’asseyant franchement sur un point !
Si s’offre à ma vue une expression déroutante, je m’en remets à mon compagnon de route, mon guide, qui de son érudition, satisfait ma curiosité et comble mes lacunes.
Pour visualiser au mieux les descriptions, les visages qui défilent sous mes yeux, je ferme les paupières, un instant. Avec le temps, ces images subiront des distorsions qui me les rendront plus personnelles.
Me voilà dans la peau de mes héros en train de vivre toutes sortes de drames, ressentant les mêmes troubles, les mêmes chagrins, les mêmes injustices ! Je veux plaider en faveur de cet homme qui pour un morceau de pain s’est retrouvé au cachot… Empêcher cette femme de s’empoisonner pour en finir avec l’existence plutôt que d’en supporter le désespoir et la monotonie… Prendre sur mon cœur ce jeune homme tombé dans un abîme sans fond après la fuite de sa bien-aimée… Etre l’intermédiaire entre ces deux amants, transmettre la lettre qui les sauverait d’une fin funeste… Avouer à cette péronnelle que son amour est vain et ses pleurs immérités ; en effet, l’homme perfide s’est joué de la belle et s’est, dans les bras d’une autre, prestement consolé…
Je vole avec délices vers ces lieux où de simples mots réussissent à me transporter…Assise sur une plage, je contemple un merveilleux coucher de soleil dont les couleurs paradisiaques font monter la marée de larmes… Descendant la rue d’une ville de campagne, j’observe chaque détail, minutieusement… Passant devant une maison où la glycine s’impose, tellement envahissante que la fragrance entêtante me fait presque fuir…
La porte se referme, je redescends sur terre. De la paume de ma main, je presse voluptueusement son dos, en un geste de remerciement. Dernière caresse.
Une atmosphère singulière s’est inscrite sur mes sens. Emotion si intime qu’il m’est d’ailleurs impossible de narrer mon étrange périple. Je ne peux en formuler qu’un sentiment plus ou moins enthousiaste qui incitera, je l’espère, un autre voyageur à tenter lui aussi cette aventure.
Peut-être n’ai-je pas envie de confier ce qui semble n’avoir été adressé qu’à moi seule ? A travers ce « toi » énigmatique transmis au-delà du temps et de l’espace, l’auteur m’a désignée comme l’actrice essentielle de son livre, celle qui lui insuffle son air vital. Sans moi, il n’existerait pas. Je m’y suis tellement investie que cette histoire est devenue « mon » histoire.
Cette impression que j’ai faite mienne, me nourrit un moment… Mais bien vite la fleur de l’évasion rejaillit en moi, car extrêmement vorace demeure mon imaginaire.
Myriam
***
Voyage en Andalousie.
Voyage toujours et encore voyage mais cette fois-ci vers un endroit inconnu : l'Andalousie.
Voyage toujours et encore voyage dans un pays où la pluie est attendue comme un dieu ou une déesse, d'ailleurs ce sont eux que les habitants remercient quand celle-ci se met à tomber.
Voyage toujours et encore voyage dans cet endroit magnifique où il n'y a pas besoin de courir.
Voyage toujours et encore voyage dans un pays où le rythme des flûtes de pan est roi.
Voyager vers ce pays comme un oiseau, être libre, enfin libre et vivre.
Voyager, voler vers un peu peuple inconnu mais paraît si chaleureux.
Voyager vers ce pays qui m'appelle et qui m'accueille les bras grands ouverts.
Voyager, se laisser entraîner comme une danse où il y aurait milles danseurs.
Voyage encore et toujours voyage, vers cet endroit où il y a mille et uns lacs et mille et uns souffle de vie.
Là-bas, en Andalousie pas de place pour la mélancolie.
Là-bas, en Andalousie, même les couleurs sont à la fête.
Voyager encore et toujours voyage, puis un jour faire une pause, s'arrêter.
Ralentir le rythme du coeur, coeur de la chanson, chanson du voyage.
Ralentir, se poser, se calmer et sentir les vibrations de la nature à travers le corps.
Sentir cette atmosphère calme comme le chuchotement d'un dialogue.
Puis se dire qu'avant de faire ce petit voyage en Andalousie il y a eu des moments de mélancolie.
Voyage toujours et encore voyage vers un pays d'harmonie où règne toujours un air de fête.
Voyage toujours et encore voyage vers des villages étranges et mystérieux.
Voyage toujours et encore voyage...
Emilie