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Mon cœur bat à tout rompre. La machine s’emballe. L’angoisse prévaut maintenant sur le rire qui trônait il y a peu. Rire, oui, rire de ces histoires surnaturelles. Le paranormal, comme on dit souvent !

 

Et bien nous en avons entendu parlé, et nous avons voulu essayer, c’est tout simple.

 

Nous nous sommes attablés, nous reliant les uns aux autres par les petits doigts au début, puis laissant le fluide passer, lâchant donc la main des voisins. Chacun sur sa chaise, face à une table recouverte de petites lettres dessinées sur du papier, lesquelles entourent un verre à pied. Et pour bien faire, il aurait aussi fallu que la table n’ait qu’un seul pied, mais bon, on n’allait pas en acheter une autre non plus…

 

Le fluide devant censément être présent au bout d’un moment, nous avons donc mis, ensuite, chacun et chacune un doigt sur le verre, doucement, légèrement. Comme à peine une caresse, mais statique.

 

Comme on nous avait précisé qu’il faut être sérieux, évidemment, nous étions pliés en deux !

 

La première question était « es-tu là ? ». Rien ne bouge. La discussion reprend donc subrepticement son cours, en sourdine.  Je ne sais plus qui a demandé une nouvelle fois s’il était là. Le verre se met à bouger. Il est donc là. Mais qui ? Le verre se remet à bouger, lentement, se dirigeant vers une lettre à la fois, et perdant en route des doigts, car certains de mes amis ne voulaient plus participer si activement, noyés de peur…

 

Mon doigt était resté sur le verre, plus par paralysie due à la peur que par forfanterie.

 

Le verre ne bouge plus, on reconstitue le mot, qui s’avère être un prénom : Armand.

 

Tout le monde lâche le verre, moi la première des derniers qui le touchaient encore !

 

Nous nous regardons tous, nous serrons nos bras contre notre propre corps, nous  tordons nos mains entre nos doigts glacés. Personne n’ose tenter de phrase blagueuse. Pas même Franz,  qui est tout de même habituellement un esprit joyeux.

 

Le verre, bien que touché par personne, se met à trembloter et à glisser sur la table.

 

Si tout à l’heure nous avions bien le doute que l’un d’entre nous, d’une quelconque manière, fasse bouger ce satané verre, là, nous étions bien obligés de nous rendre à l’évidence : nous étions entrés en contact avec un esprit, un fantôme, un truc mort quoi, mais encore suffisamment vivant pour se manifester !

 

Comment s’en dépêtrer ? Certains étaient prêts à continuer la soirée, comme si de rien n’était, en rangeant rapidement les éléments qui nous avaient permis d’établir une liaison avec Armand. D’autres se sentaient tout à coup très las, et ne souhaitaient qu’une chose, dormir au plus vite, et passer à une autre journée. Notre groupe se trouva donc séparé en deux parties, les dormeurs et les actifs, qui restaient à veiller dans la salle principale de la vieille ferme.

 

Nous parlions et riions sans plus nous soucier de cet Armand.

 

Le chien de Friedrich se met à aboyer, dehors, juste devant la ferme, à l’entrée du jardinet. Nous nous demandons, en riant,  s’il est à la recherche d’une donzelle canine, ce saligaud qui engrosse, selon son propriétaire, toutes les femelles du quartier.

 

Puis, nous entendons s’ouvrir la porte d’entrée, lourde et en bois, ou plutôt, nous oyons tinter  le petit carillon, situé au-dessus de cette porte, ce qui indique que la-dite porte…

 

Un bruit sourd, comme quelqu’un qui monte les escaliers en bois menant aux chambres, se fait soudainement entendre, alors que nous n’avions vu personne passer de l’entrée à la première marche de l’escalier. L’angoisse nous étreint et nous réduit au silence. Seuls nos yeux bougent, vont d’un ami à l’autre, n’osant plus trop regarder finalement vers l’entrée et l’escalier.

 

Le bruit de pas, lourd, comme celui d’une personne qui peine à monter quelques marches, s’est entre-temps arrêté. Nous entendons grincer une porte. C’est celle de la chambre de Fritz, qui descend l’escalier à toute vitesse, nous criant dessus parce qu’on se serait amusé à s’asseoir sur son lit, à ouvrir et fermer la porte de son armoire, et qu’ainsi il ne peut pas dormir, bien que très fatigué.

 

Et c’est là qu’il se rend compte que nous sommes tétanisés, que nous ne parlons pas, que nous ne pouvons que le supplier des yeux de nous venir en aide.

 

Albertine arrive finalement à articuler quelques mots, lui expliquant la situation rapidement. Fritz, tremblant, oubliant qu’il est le trouvère au grand cœur et le clown du groupe, propose que nous refermions la porte que nous avons visiblement ouverte par mégarde. Oui, mais comment s’y prendre ?

 

Nous remettons alors fébrilement en place le verre, les lettres et nos doigts. Nous prions Armand de partir vers d’autres cieux, qui lui seraient plus utiles, car nous, nous sommes trop coincés par le temps, par nos rationalismes et  par notre peur pour l’aider. Car il cherche de l’aide, n’est-ce-pas ? Il ne nous veut sans doute aucun mal, n’est ce pas…?

 

J’entends les battements de mon cœur, qui tentent de fuir hors de mon corps, qui grondent à l’intérieur comme une rivière en crue. Je sens une présence. Je sais que la porte n’est pas fermée, même si nous n’entendons plus aucun bruit suspect, ni ne voyons le verre bouger.

 

Soulagés, mes amis décident que nous avons tous besoin de nous reposer. Nous montons donc à l’étage, où se situent les chambres et la salle de bains. Je demande si je peux aller à la salle de bains immédiatement, on me répond oui. Je m’y enferme, m’adosse à la porte…

 

Je sens à nouveau quelque chose. Je ne suis pas seule, c’est une conviction plus qu’une impression. Je commence à enlever mes boucles d’oreille. Tremblante d’effroi, j’en fais tomber une, me baisse pour la ramasser, et là… je reste pliée en deux, morte de peur, mais apparemment toujours vivante, car je vois des ombres de jambes, de mollets. Il est là. Peut-être avons-nous détruit la porte séparant notre monde vivant du sien, laquelle porte serait donc impossible à refermer… ?

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