Je passe le dernier angle du long couloir, tout ces tableaux me font tourner la tête. Les hommes, les femmes, les années qui passent rapidement, tel des flashs temporels, les styles atypiques qui évoluent devant mes yeux au fil de mes pas.
Et là, là! Il y a ce tableau, d'abord, il me parut sombre. Le grand cadre bordeau de bois poli contrastant avec le cadre de la porte représenté en noir derrière les deux personnages. Le plus grand, monsieur Iseppo da Porto, de sa carrure de dragon et ses jambes d'athlète semblait presque prendre le cadre de la porte à lui tout seul. Son superbe manteau bleu foncé rehaussant son teint blanc rosé et ses yeux noirs qui me fixent. Une fine barbe noire recouvre son visage encadrant ses lèvres fines. Son bras gauche tenant la pair de gant de cette même couleur brune que le coutour de son manteau. Son bras droit, lui, posé sur l'épaule frêle d'un petit garçon, comme un bouclier. Le petit presque caché par l'ampleur de son père semble pourtant souriant. Ses mains, presque aussi blanche que le col d'hermine qui entoure sa veste, s'aggrippent à la manche large du père. Son regard, perdu vers un endroit inconnu, assombri par les broderies dorés sur tout son vêtement. Son visage d'ange tellement insouciant, tellement fragile.
Je ferme les yeux, mon imagination m'emporte : j'entend le rire cristallin. Je vois le fils s'échapper du bras de son père, le coutourner en trottinant avec de s'enfuir dans un cri de surprise quand l'homme, d'un rire grave, tend ses bras vers son petit corps. Je vois le seigneur courrit après son fils, ses yeux noirs prenant enfin ce pétillement qu'on semble remarquer dans sa représentation figée.
"Mesdames et Messieurs, nous vous remercions d'avoir visité le musée des Beaux-Arts de Rouen et vous demandons maintenant de vous diriger vers la sortie." résonne une voix dans le hall. J'ouvre les yeux et me détourne : il me faut la carte postal de ce tableau, il me la faut !