Eventrées de ta chair, les larmes de la mer,
Coulent comme une humeur le long de tes pieds.
Le Condor a frappé, Picasso l’a fardé
Devant l’agonie de la Liberté, sa Terre.
Entends-tu la plainte surgissant du vallon
Où femmes et enfants, un jour de marché sanglant
Près du chêne sacré en flammes, agonisant
Verront sous les bombes leur dernier horizon ?
Ici des corps entredéchirés gisent épars,
Au milieu de mains tordues, crispées, dilatées
Que des cris prolongent en de longs échos souillés
Sur les cadavres disloqués d’un jour blafard.
J’entends un hurlement déchirant dans la nuit
Une femme serrant dans ses bras son enfant
Sous la tête d’un taureau hostile, gisant,
Impassible devant ce petit corps sans vie ;
Souffrance et convulsion du cheval, ton peuple,
A la langue pointue comme un couteau limé
En son flanc transpercé par la lance acérée
De la mort qui rode sous le chêne veule ;
Là, les restes d’un guerrier à l’épée rompue,
Une femme bras tendue, tête révulsée,
Une autre, bras pendants au long cou étiré,
Autant de cris de rage à demi-entendus !
La beauté de Dora ne saurait effacer
L’agonie d’un peuple disloqué dans sa chair
Que son Maître ombra de noir et de gris clair
Appuyant l’horreur d’un massacre injustifié.