Un nœud-papillon, tombant négligemment du cou d’un rond-de-cuir, avait l’air négligé d’un vêtement trop usé. Hélas, il était tout le temps mis à contribution, même les grands jours de soupe et de spaghettis, se faisant ainsi gribouiller la toile de jute.
Un jour, las de cette vie sans chatouilles, il décida d’entamer sa reconversion.
Parades et charades devinrent ses humbles compagnes de route, enfants de bohème comme lui, depuis qu’il s’était transformé en un disque bleu, sortant de la poche du fabuleux et gigantesque clown.
La tubulure du tourniquet rouge, sur lequel Pomi le clown devait exécuter des cabrioles, essayait bien de s’accrocher parfois à ce morceau de tissu. Mais ce dernier, bleu mais pas naïf, ne savait que trop bien doser ses sentiments, et ne s’amourachait pas facilement.
Un jour de grand vent, où les toiles du chapiteau virevoltaient, effectuant un improbable ballet, l’ancien nœud-papillon se rapprocha trop de ces grands et petits tubes rouges, doucereux comme des tentacules de méduse.
Ainsi fut-il fait prisonnier, entraînant dans sa captivité son contenant, Pomi. Notre clown était bien désolé de ne pouvoir continuer la route avec sa caravane, mais avec deux jambes ligotées dans du plâtre blanc, il n’y avait pas d’autre solution.
Il était devenu spectateur, autant dire inexistant. Jetant alors l’anathème sur sa fébrilité et sa maladresse, il s’en fut, béquillant, remuant et exhibant ses plâtres remplis de dessins et signatures habilement esquissés à l’encre vermillon, au bar le plus proche.
Pomi rencontra, sur cette planète au sol désinfecté au vinaigre, aérée par un zéphyr plus que consistant et épais comme une fumée de cigare, un pomiculteur.
Le cultivateur se moquait gentiment du rond bleu, sortant toujours de la poche de Pomi et tacheté d’écailles rouges. Il disait qu’il en aurait bien besoin, cependant, pour rapiécer son bleu de travail, qui commençait à avoir de l’âge.
Pomi, moqué, mais miséricordieux, offrit de bon cœur cette pacotille de couleur azur à cet inavoué grippe-sou.