Dieu, pour vérifier qu’il était le plus grand pomiculteur de l’univers, décida de planter l’arbre de la connaissance et l’arbre de vie dans le jardin d’Eden.
Il introduisit dans ce paradis, un homme, puis une femme, auxquels il précisa qu’il ne fallait en aucun cas toucher aux fruits.
Mais, à force de se chatouiller, lorsque l’ennui se faisait sentir, et de se caresser lorsque la solitude se faisait tenace, Adam et Eve ne tardèrent pas à outrepasser les droits qu’on leur avait confié : pour combler leur mélancolie et avoir quelque chose à se mettre sous la dent, ils croquèrent les fruits défendus.
Un goût doucereux emplit leur bouche et ils comprirent aussitôt qu’une catastrophe allait s’abattre sur leur tête.
Dieu, pour les punir de leur péché, décida de faire appel au Tourniquet Du Destin. Sa flèche tomba inexorablement sur la case : « Planète Terre ». Le sort en était jeté.
Adam et Eve subirent un anathème et furent chasser pour toujours d’Eden, reconvertis en de simples humains. Dieu ne les considérerait désormais plus comme ses élus.
Le nectar de vie des deux jeunes gens tourna bien vite au vinaigre.
Ils essayèrent de se réchauffer sous le disque solaire, mais leur chair était glacée jusqu’au sang.
Ils tentèrent d’emplir leurs yeux du bleu immaculé du ciel, mais leur regard demeurait inerte, sombre et lointain.
Ils attendirent que le miraculeux zéphyr emporte sur son passage leurs impardonnables erreurs, mais leur âme était contaminée par le mal.
Ils s’évertuèrent à résoudre toutes les charades du monde, le chemin du paradis leur était à jamais interdit.
Ils n’eurent plus qu’une seule chose à leur disposition : réfléchir à leurs actes, comprendre ce qui avait été en jeu, de quoi il était réellement question, défaire le nœud du problème.
Pourquoi Dieu les avaient-ils ainsi exposé à la tentation ?
Pourquoi avoir donné à Eve un sexe en forme de tubulure et à Adam un sexe qui s’y emboîterait parfaitement ?
Pourquoi les avoir aussi injustement puni ?
Ils notèrent le cheminement par lequel ils passaient, associant les idées les unes aux autres.
Ils arrivèrent si loin dans leurs explications que, choqués par leurs découvertes, ils gribouillèrent ce qui devait rester inavoué.
Dieu devait être le seul maître, l’unique détenteur du pouvoir. Lorsqu’il avait compris qu’il s’était surestimé, qu’il avait mal dosé les sentiments accordés à chacune de ses créatures, il avait été pris d’une insoutenable culpabilité. Afin de se soulager, il avait rejeté la faute sur Adam et Eve. Selon Dieu, il était bien improbable qu’ils comprennent le pourquoi du comment puisque de toute façon ils avaient été trop faibles pour lutter contre la tentation.
Plus tard, pour s’assurer une autorité inébranlable, Dieu rédigea ses règles dictatoriales. Il décida subjectivement ce qui était miséricordieux de ce qui ne l’était pas. Il choisit Moïse pour transmettre aux humains ses commandements. Plutôt que d’utiliser de l’encre qui, sur le papier, viendrait à s’estomper avec le temps, il inscrivit ses lois en gravant de ses paroles divines, la pierre, inattaquable.