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     Je suis la mer amère qui jamais ne s’achève, je suis la vague, la mort brève qui sur la grève s’échevèle et qui ne meurt jamais vraiment, qui ne meurt qu’un moment et se relève inlassablement. Je suis la vague, la mort brève, je suis la mer amère.

     Souvent quand le vent, le vent dément me chante ses arpèges, quand le vent, soulevant mes jupes de neige, mistral amant me désagrège nuitamment, je frissonne, soupirante j’écume, expirante je m’embrume d’embruns posthumes que délicieusement hument les fous, les cormorans, les grands oiseaux blancs sous la lune lissant leurs plumes quand le vent, le vent dément m’aime ardemment.

     Parfois, frivole, je m’amuse avec les méduses et les petits enfants, je joue à saute-vagues, à houle-vole, à roulis-boulis, je fais le gros dos, je m’arrondis, je laisse glisser les voiles sur mes vagues muselées. Parfois je ne suis pas sage, je découvre mes plages, mes coquillages et mes trésors de flibustiers, impudique j’offre mes plus intimes criques aux conquérants aventuriers. Je me fais la muse des peintres de bazar, je me prostitue aux artistes sans art, je suis la mer publique, la facile, la souillée, sillonnée de vauriens, de pétroliers, polluée d’aoûtiens, mer de rien. Parfois, frivole, je m’amuse et me commets avec les humains.

     Mais je me lasse vite. Place à ma colère. Place nette ! D’une gifle je terrasse mes intrus, d’une chiquenaude je me débarrasse de mes clandestins passagers, et cependant que le soleil trépasse dans les cieux délavés, de ma longue pelle bleue j’efface les châteaux de sable, je lave mes galets, je me refais une virginité, et  j’enlace l’espace, l’espace de l’éternité.

     Je suis la mer amère qui jamais ne s’achève.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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