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Je suis le compagnon des artistes, un peu poilu sur les bords, parfois même totalement ébouriffé en fin de vie, mais certains disent que cela me donne un genre.  En chevreuil ou en soie de porc, mes poils sont là pour absorber leurs maux et leurs délires les plus fous. Tantôt à manche court et pointe fine, tantôt à manche long et pointe plate ou ronde, peu importe, moi je préfère me dire que je suis le prolongement naturel de leurs mains.

Mais attention, il ya « artiste » et « artiste »....

Le vrai est celui qui me trempe presque amoureusement dans le liquide en enlevant le surplus, et en pressant délicatement mon bout au bord du pot. Là, c’est un véritable supplice, mon manche en bois se cambre, mes poils se hérissent ensuite contre la toile pour mieux la caresser, et je sens vibrer en moi l’émotion de mon maître, que je retranscris, dans une complicité parfois violente, ou parfois tendre et sensuelle. C’est alors comme si je m’ouvrais sur un nouveau monde, où le mot Liberté régnerait en maître. Nous ne faisons plus qu’un et nous nous déchainons sur la toile jusqu’à ce que celle-ci soit le portrait fidèle de notre âme et de nos interdits. Ce que j’aime particulièrement c’est quand mon maître me prend à pleines mains, comme pour mieux me posséder lorsqu’il s’attaque à une grande surface. C’est divin.. Divin comme ce bain qu’il me donne après le travail pour me redonner ma souplesse en me laissant tremper dans du vinaigre d’alcool bouillant.. Je me mets alors à transpirer tous les pigments de la journée.

Et puis il ya les autres, ceux qui se prennent pour des peintres.. les vicieux, les ratés, ceux qui dénigrent mes propres maîtres. Ils m’imposent des gribouillages infâmes que même les enfants n’afficheraient pas dans leur salle de classe. Ils m’irritent à trop vouloir me presser sur la toile, me torturent pour faire passer leurs nerfs. Ils me mélangent à plusieurs couleurs, et m’étalent sur la toile comme si ils tartinaient une vulgaire biscotte de beurre. Ensuite, ils me jettent dédaigneusement sur le sol, sans même me donner un seul bain, et je me réveille le lendemain, courbaturé, rêche, et sans envie. Vous savez à quoi on les reconnaît ? A leurs mains...

Tag(s) : #Textes des auteurs
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