Il avait l’air gentil ce petit couple au bord du trottoir. Elle, toute fluette, semblait tenir en équilibre sur ses petits talons. Lui, très sobre dans son costume noir, un chapeau melon qu’il ôta pour me saluer, laissant apparaître une calvitie très avancée. Son crâne ressemblait à un œuf.
Ils faisaient du stop. Ils avaient raté le dernier bus, et il n’y avait pas de taxi.
Je m’arrêtais. Il me raconta sa petite histoire :
- Ma femme est un peu fatiguée, elle ne peut pas marcher bien longtemps. Vous savez nous sommes un peu gênés, nous n’avons pas l’habitude de faire ce genre de chose…
Elle continuait de sourire, même ses yeux semblaient sourire. Je la trouvais très belle.
Il m’indiqua la destination. Je ne connaissais pas du tout ce quartier. Je vous guiderais m’assura t’il.
Je la fis asseoir à côté de moi, et lui monta derrière moi.
Après quelques ‘tournez à droite » et « tournez à gauche », il me dit :
- Arrêtez-vous là, près de ce garage, s’il vous plait.
Je trouvais l’endroit un peu désert, sombre. La lune en croissant éclairée à peine, à peine plus qu’une bougie. Je sentis mes mains devenir moites.
Elle ouvrit son cabas et en sorti un marteau avec lequel elle me menaça. Je la regardais, pétrifiée. En même temps, il m’attrapa par les épaules et me braqua un pistolet sur la tempe.
- Ton sac, me dit-elle d’un ton sec.
- Dans …dans… la boîte à gants.
Elle ouvrit la boîte à gants, pris mon sac, le mit dans son cabas. Puis :
- Tes clefs.
Je coupais le contact et les lui tendit. Elle sortit de la voiture et alla ouvrir la portière pour que son mari puisse sortir à son tour. Juste avant de s’éloigner, il me dit :
- Tu ne bouges pas, sinon je te tue.
J’étais tétanisée, mes mains crispées sur le volant, regardant droit devant. Au bout d’un long moment, mes membres commençaient à s’engourdir. Finalement j’osais tourner la tête, la rue était déserte, personne. J’avalais ma salive, et là j’aurais eu vraiment besoin d’un bon verre, un verre de cognac par exemple.
Mais qu’est-ce que je faisais là ? Trop bonne, j’avais été encore une fois trop bonne. Je mis la main dans ma poche à la recherche d’un mouchoir, et j’ai trouvé mon téléphone portable. J’ai appelé la police.
J’étais dans un état second. Comme si cela ne suffisait pas, un orage a éclaté, la pluie tambourinait sur le toit de ma voiture. J’avais peur. Je me disais, il ne manque plus que la neige, et ce sera complet ! Je fermais les yeux et essayais de penser à mon jardin, à mon acacia en fleur, sous lequel j’aimais me prélasser.
Un bruit de sirène me ramena à la réalité. La police arrivait. Enfin j’allais pouvoir souffler.