Quadrature du loup !!
Courir avec la lune (prélude)
Comme toujours, il me semble,
Je dois vous dire pourquoi
Vous n'en croirez pas vos yeux…
Quand la bête perce à travers moi,
Telle une fontaine
Monte la pression, et j'en tremble
De tous mes membres. Je ne peux
L'empêcher de briser ses chaînes.
Hurler sans relâche.
Epuiser cette rage immonde
Nuit après nuit.
Gare à votre infortune
De me croiser quand se lâche
Le loup en moi qui gronde,
Qui me contrôle quand elle luit,
Courant sous l'éclat de la Lune.
Vos cris et vos larmes
Me régalent infiniment.
Plus qu'égorger mes proies,
Je me délecte de vos certitudes
Qu'à prier votre dieu sans charme
Je m'écarterais de vos enfants,
Dont la tendre chair fait ma joie
Quand je cours avec la Lune.
Mais ne croyez pas que j'en jouisse.
Quand, passées ces sombres nuits,
Je redeviens maître de ma conscience,
Vos visages me hantent à l'infini.
Cette malédiction me déchire,
Et j'erre ainsi cherchant l'indice
D'une solution me donnant l'espérance
De pouvoir enfin mourir.
Ces nuits me condamnent au noir oubli.
Je n'en peux plus de me battre
Contre ce que je ne maîtrise,
Gravant mon histoire en runes
Suintantes du sang impie
Sur mon âme, en traces brunâtres.
Ma rédemption est loin d'être acquise,
Tant que je courrai avec la Lune !
Phase 1 : La lune est noire !
C'est la pleine lune ce soir
Et comme elle, je suis noir…
Sa lumière n'est que reflet
Et s'insinue en moi sans regret.
Chaud est mon épiderme,
Lent est mon sang qui bouge,
Soufflée est ma lanterne,
En moi monte comme un fer rouge.
La douleur lancinante qui me mute,
Arrache mes doigts lentement et s'affûte.
Retenir le cri avant que ne chute
Mon âme envahie par cette douce lutte.
Regarder sans fin la lumière froide de la lune.
Dans mes yeux, refrain qui s'annonce en prélude
Aux chevauchées qui au matin ne laisseront que l'écume
Du sang séché au coin de mes lèvres insalubres.
Je me libère enfin
Comme il est de coutume.
De cris et de chagrins
J'arroserais le bitume.
Phase 2 : (courir avec la lune)
Ah ! Quel délice
De pouvoir lacérer
D'un revers complice
De mes griffes affinées…
Voir virevolter l'inconscient
Entre mes pattes velues.
Le désarticuler lentement…
Quels plaisirs en vue.
Je cours avec la lune
A visage découvert.
N'ayez pas l'infortune
De me croiser. Enfer !
Je ne fais pas de détail
Ni de tri d'ailleurs.
J'équarrisse ou j'écaille
N'happant que le meilleur.
Mordre, arracher, pendant
De peau délectée,
Chairs au goût suant
D'une rougeur lactée…
Je me réjouis en cruel
Ebats sans pitié
Car c'est ma nuit d'airelles
D'une rougeur éclatée.
Comme tant de plaisir, ma reine,
A trancher d'aussi fines veines,
Vais-je pouvoir exposer à ta clarté
Et te les offrir en doux trophées.
Tremblez au fond des cours,
Rentrer vos chiens, c'est Carême.
Venez que je laboure
Vos reins et en fasse mes emblèmes.
Déchiqueter un à un
Vos petits enfants d'amour
Qui me prenant pour chien
N'auront pas de retour.
Venez donc en fusils
Et torches à la main,
Par transe j'en ris
Car de vous je ne crains
Aucun de vos outils,
De vos piteux engins
Et d'avance à mon cri
Vous fuirez c'est certain.
Hâle rouge que ma couche
En cette heure avancée.
Dégoulinant d'une souche,
Un gueux bien étripé…
De ses yeux s'effarouche
Comme un dernier reflet
De sa vie. En sa bouche
S'écoule un juteux filet…
C'est ainsi en rituel
Que je me soûle des gens,
En élan fraternel
Avec la mort aux dents.
C'est la pleine lune ce soir
Et comme elle je suis noir !
Pour certains, la nuit porte conseille…
Pour moi elle n'est que furie
Jusqu'à la porte du sommeil
Où le soleil s'ennuie.
- L'éveil
Que me voilà mâtin dans cette belle clairière
La fraîcheur m'enveloppant d'une rosée princière
Je regarde au levant s'achever ma galère.
J'appréhenderais le couchant pour trois autres nuits entières.
Le feuillage d'automne enrougie
M'inquiète, me questionne ici.
Que n'ais-je attrapé de proie dans ma folie.
Il y a donc là un cerf étendu, sans vie,
Et ses lambeaux de chairs éparpillés
Me prouvent que ma rage s'est rassasiée.
Qu'est-ce qui craque sous ma botte ?
Un ou deux doigts, une quenotte ?
Qui donc dans sa malchance me croisa ?
Rassemblons les morceaux de ce pas…
Je respire profondément, mais unique était l'homme
Apparemment car peu de membres en somme
Je réunis patiemment. Me manque la tête…
Mais qui était-il pour que je l'émiette ?
Je l'aperçois là-bas, cheveux bruns éparpillés
Sur un crâne dégarni, figé d'un air moribond.
Mais que ne vois-je ici, maintes fois je l'ai croisé
Ce n'est qu'un triste sire, un chef des Brabançons.
Il m'avait bien semblé avoir tué, loin s'en faut
Au sein de la mêlée bon nombre de Cottereau.
Espérons que personne d'autre n'ai-je croisé.
Humain, au soir dans vos chaumières, restez !
Sauvez-moi !
Quand la pleine lune au ciel se place,
Que son emblême sur ma face
Illumine mon angoisse,
Je sens soudain monter en moi
La rage qui me froisse.
Je ne suis plus qu'une proie.
Je n'y peux rien. Je suis désespéré.
Je vous en pris, prenez pitié !
Sauvez-moi, sauvez-moi,
La soif du loup est dans ma peau.
Sauvez-moi, sauvez-moi,
Je ne veux pas mourir si tôt.
Au fond de moi, mon âme
Se convulse, se désarme.
Je ne peux plus résister.
Mon corps me brûle, je souffre trop,
Je me cramponne à ma peau…
Tout au fond de vos regards
Je peux me voir me transformer.
Une main se tend, mais il est trop tard.
Sauvez-moi ! Oh, sauvez-moi…
La soif du loup est dans ma peau.
Sauvez-moi ! Oui, sauvez-moi.
Ce sang qui coule, ce sont mes sanglots.
Regardez-moi bien dans les yeux,
Je brûle dans ce miroir.
Je veux m'enfuir, mais je ne peux
Echapper au cri du soir.
Sauvez-moi, sauvez-moi,
La soif du loup est dans ma peau.
Sauvez-moi, pitié, sauvez-moi,
Aidez-moi à rallier le jour nouveau !