Uriel souffrait moins de la faim depuis ce fameux banquet, mais se dit qu'il était temps pour lui de partir en quête de nourriture et de cueillette, il ne savait pas si sa jeune amie allait l'accompagner dans ses recherches ou si elle allait disparaître aussi rapidement que la veille. "Moi chercher manger", dit-il en s'accompagnant des gestes traditionnels. Euxane lui emboîta le pas d'un air décidé, Uriel avançait sans trop de peine dans cette végétation hostile, car ses blessures s'étaient refermées et ses pieds semblaient le laisser en paix à présent, il s'étonnait lui-même de cette guérison rapide et trouvait en lui, maintenant, assez de ressources et de moral pour se décider à survivre ici coûte que coûte. Euxane le suivait avec une aisance déconcertante, sautant de branche en branche, s'accrochant à des lianes, enjambant des fossés, se jouant de tous les pièges, comme une petit Tarzane miniature. Uriel était subjugué. Décidément cette fille l'étonnait de plus en plus.
Soudain, au coeur de la jungle, un énorme cri retentit, un grognement tout semblable à celui entendu l'autre jour. Uriel sauta à terre et se plaqua au sol sans bouger, envahi par la peur. Euxane, quant à elle, continuait à folâtrer avec insouciance de branche en branche en riant de toutes ses belles dents. "OU, OU", fit-elle en tirant Uriel par le bras et sans se départir de son merveilleu rire...
Uriel avait honte, il avait honte de montrer ses frayeurs à ce petit bout de femme qui semblait si détendue, si décontractée , mais il ne parvenait pas à se maîtriser et tremblait comme une feuille. Alors Euxane fit un geste qu'elle n'avait jamais fait encore, elle lui prit la main et il eut l'impression de se promener, comme par le passé, avec la plus jeune de ses soeurs. Le contact de cette peau douce, quasi semblable à une peau de bébé, l'attendrit au plus au point et il se pencha sur elle en souriant. Pour la première fois depuis son naufrage, Uriel était heureux. Et se sentit rassuré.
Deux minutes plus tard, l'être velu, énorme et monstrueux était là, à deux mètre d'eux et leur barrait la route. Malgré la présence d'Euxane, sa peur et ses tremblements l'avaient repris. La jeune femme lui lâcha la main et s'avança hardiment vers la bête, qui lui posa amicalement sa grosse patte velue sur l'épaule, au risque de l'écraser toute entière. Suivirent des échanges dans une langue inconnue, qui paraissaient amicaux. Uriel n'osait pas relever la tête et affronter son regard. Il se résolut enfin à le faire, et constata que la "chose" avait l'air moins terrible que l'autre jour, et qu'à la place des yeux jaunes et luisants, brillaient deux petits yeux noirs malicieux. Quant à sa corpulence, elle était tout de même moins imposante qu'il l'aurait imaginée, la taille d'un grand gorille, tout au plus. Sauf qu'il n'avait pas de poils partout, mais une bande régulière qui courait du bas de son dos jusqu'à la naissance du cou. Ainsi que sur les mains et les pieds. le reste de la peau était lisse et brune et parsemée de taches plus claires. Euxane se retourna vers Uriel et lui fit signe de les suivre. Uriel ne bougeait pas. "ou, ou" insista-elle. Et il leur emboîta le pas.
Combien de temps dura la marche, Uriel n'aurait su le dire, la petie femme sautait comme à son habitude de branche en branche et parfois même , d'un bond, elle grimpait sur le dos le l'homme- singe en riant comme une folle. D'autres fois, c'était lui qui faisait mine de la poursuivre et de l'attraper de ses grosses mains velues, le rire d'Euxane résonnait dans la forêt et les cris des perroquets et des toucans se mêlaient parfois à ses rires. Ils arrivèrent enfin dans une petite clairière où Uriel découvrit un bien étrange spectacle.