Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

- Monsieur, il faut que je vous informe...
- chuuuuuuuut...

Henry Wiatt se tût, en attente. Il savait que rien ne servait d'insister, quand Charles Dumont donnait un ordre, on obéissait, tout simplement. A moins d'avoir des tendances suicidaires. Il est des hommes dont on ne peut contester l'autorité, à aucun prix, et il était incontestablement de ceux-là.

A ce moment précis, Charles était profondément absorbé par une musique d'un genre étrange, africaine peut être... il avait les yeux à demi-clos, et semblait complètement ailleurs.

Soudain, la musique s'achèva.

- mmm ... Voyez-vous Henry, j'ai toujours eu une passion sans réserve pour ces mélopées... cela me permet d'ignorer le crachin des soucis, les désillusions que je dois subir à longueur de journée par la faute de tous ces incompétents qui m'entourent...

"Voilà qui commençe fort mal", pensa Henry

Charles continua

- mais je vous en prie, je ne voudrais pas vous faire plus longtemps perdre votre temps si précieux... Dites-moi donc ce que je peux faire pour vous, mon cher Henry ?

Charles Dumont avait un air cynique démentant la douceur de ses propos. Henry déglutit avec difficultés, soupira... puis se lança.

- Et bien voilà, monsieur... nous avons tenté d'apprivoiser... vous savez. Comme vous nous l'avez demandé.
- Oui Henry, je me rappelle très bien, je ne suis pas encore gâteux ! Mais qu'y a-t-il donc, pourquoi venez-vous me parler de cela avec une telle tête d'enterrement ?
- Hé bien monsieur... c'est que... voilà, nous avons tout fait pour brider son ... tempérament. Mais malgré toute notre persévérance, sans résultats aucun je le crains.

Henry s'interrompit. Le pire restait à venir, mais il ne pouvait pas tout dire comme ça, d'une traite. Il ne voulait pas mourir sur place.

Charles soupira.

- Ainsi donc, vous venez m'annoncer que, malgré tous mes efforts pour prouver son existence, la trouver, la ramener ici, l'entourer des soins attentifs de mes meilleurs hommes... malgré tout le temps, l'argent, et les espoirs investis... une vie, henry, une vie entière bon Dieu ! ... malgré tout ça, donc, vous ne parvenez pas à terminer la toute petite tâche que je vous avais confiée pour que mon rêve se réalise ?
Alors vous aussi finalement, vous allez me décevoir ?
Faudra-t-il vraiment que je fasse tout moi-même, dans cette maison ?

Henry recula de deux pas. Il valait mieux ne pas être trop près, si jamais son maître venait à s'énerver vraiment. Les prémisses étaient là, clairs comme de l'eau. Henry pensait néanmoins qu'il pouvait encore inverser la situation avant qu'elle ne devienne incontrôlable.

- Monsieur ... si je puis me permettre... je sais que votre thèse est qu'elle est unique, qu'il faut que ce soit elle, sinon... je ne puis même pas imaginer les conséquences si elle n'était pas...
- Ne cherchez pas à l'imaginer, Henry, cela vaut mieux pour vous, murmura Charles, dans une rage glaciale, se rapprochant de son serviteur.
- Je ne cherche pas à vous contrarier, monsieur... je voudrais seulement vous faire part d'une découverte étrange effectuée par le docteur Folin, pendant ses expériences.
Il en aurait trouvé une autre.

Charles Dumont était tétanisé, incapable du moindre geste, de la moindre pensée structurée. Les mots résonnaient dans sa tête... "une autre"... mais comment était-ce donc possible ? Le simple fait d'évoquer qu'il puisse en rester une était un sujet complètement tabou... alors plusieurs...

Henry poursuivit.

- Je vois bien que la nouvelle vous rend perplexe, monsieur, dit-il en se retenant de sourire. Pourtant il est formel. Tenez, il m'a confié ce papier pour vous...

Charles attrapa la note, manifestement griffonnée à la va-vite. Maudit Folin, l'information la plus importante qui soit, et il fallait encore une fois qu'il la rende illisible ! Un jour, il faudrait qu'il lui en parle en tête à tête...

Henry interrompit le cours de ses pensées

- Le docteur Folin dit que la deuxième serait plus coopérative... beaucoup plus. Pas du genre à nécessiter des drogues, ou des méthodes artificielles, et à compromettre le programme... Il a une certaine expérience du mental humain, et ...
- Oui Henry, je sais, je sais... il est le meilleur dans son domaine, je ne le paye que trop, mais je sais pourquoi. S'il dit qu'avec elle ça peut marcher, et naturellement, alors je le crois sur parole !

- Oui monsieur, le meilleur... avec des méthodes surprenantes, parfois même... contestables. Mais indéniablement efficaces.

- J'ai toute confiance en ses capacités, Henry... s'il dit qu'il y en a une autre, alors c'est que c'est vrai. Mais alors ça veut dire que pendant tout ce temps où je me focalisais sur elle... j'étais dans l'erreur...
- Permettez-moi monsieur... Folin semble penser que si vous ne l'aviez pas trouvée, on n'aurait jamais pu comparer l'autre, et donc ... peut-être ne l'aurions-nous jamais su. Maintenant, Folin dit que nous pourrons peut-être en trouver d'autres. Beaucoup d'autres.

Un sourire illumina les traits de Charles Dumont. "Beaucoup d'autres..." le monde allait l'aduler pour cela. Il allait leur donner ce qu'il y avait de plus précieux, un espoir. Et en ces temps troublés, ça n'avait pas de prix ! Après cela, il n'y aurait plus besoin de rien à faire pour promouvoir sa candidature au poste de Commandeur, cela coulerait de source.
Oui, décidément c'était là une très bonne nouvelle, vraiment.

Pour la fêter dignement, il se servit quelques fraises dans un petit ravier, et entreprit de les sucrer, l'oeil gourmand.

Henry Wiatt, comprenant alors que la conversation venait de prendre fin, se retira sans un bruit.

Dans quelques mois, pour la première fois depuis 2000 ans, un enfant allait naître "comme avant" sur cette planète, un enfant conçu naturellement et pas in vitro, qui aurait grandi dans le ventre de sa mère et pas dans une incubatrice. Un enfant désiré, qui ne naîtrait pas stressé dès la conception par une mère dépressive ou hystérique, qui ne serait pas bourré avant même la naissance de toutes ces drogues de synthèse utilisée pour forcer la vie... Un bébé parfaitement sain qui pourrait servir d'exemple pour prouver que l'infertilité n'était pas totale, ni définitive, qu'il suffisait qu'on aide un peu, que les bonnes décisions soient prises, et alors...

alors cet enfant ne serait que le premier de la nouvelle humanité à naître...

Tag(s) : #Textes des auteurs
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :