P246 Gisèle – Place au spectacle

Du point culminant de cette terre paradisiaque, peu à peu le spectacle se met en place. En contrebas, elle s’étale jusqu’à perte de vue. D’une beauté renversante, elle s’offre aux regards sans pudeur. Aucune retenue ne l’habite, elle se donne telle une amoureuse transie de désir. Son immensité, sa force et son énergie ne l’empêche pas de subir les modulations d’éléments naturels. Certains jours elle est prédatrice, d’autres jours, elle est proie. Une vie en dents de scie, une existence aux mille visages pour lesquels elle se moule aux exigences imposées. Aujourd’hui, une écharpe sombre plane au-dessus d’elle. Elle devine qu’elle devra déployer toute la vitalité dont elle est pourvue. De la valse légère dans laquelle elle se meut depuis des heures, elle se verra entraîner dans une cadence de plus en plus impétueuse.  Peu à peu, le mouvement s’amplifie et déclenche chez elle les astuces appropriées, elle a le pouvoir de s’adapter aux modalités édictées. Danseuse agile, elle s’arrime au rythme imposé. L’intensité augmente d’heure en heure. Elle se retrouve face à son vieux comparse avec qui elle entretient une relation complexe. Il en impose, fier d’être déclencheur d’une autre rencontre mémorable. Imbu de son pouvoir, il déploie avec force son arsenal et souffle sans relâche avec détermination. Sous l’effort, elle fulmine et transperce l’écho de son rival et complice, une dualité légendaire. Des bulles frémissantes se laissent entraîner dans une chorégraphie scabreuse où, en esclaves, de petits cyclones tourbillonnent. L’astre de la nuit orchestre le concert et provoque un va-et-vient incessant dans lequel les deux protagonistes se livrent bataille. Ils se frappent, s’étreignent, s’embrassent. Deux amants qui s’affrontent, complices et adversaires tout à la fois. De l’aurore au crépuscule, ils n’ont de cesse de se narguer et de s’abandonner l’un à l’autre. Au crépuscule, épuisés, au comble de leurs forces et de leur plaisir, ils se cambrent dans une savoureuse plénitude. Encore une fois, l’éternel affrontement a été apprivoisé. Repus, ils s’apaisent. Dans une tendre étreinte, ils se bercent en douceur et profitent d’une accalmie bienfaitrice. Demain, un autre jour imposera son rythme et sa cadence.