Non, il se l’était juré et l’avait promis à sa moitié : plus jamais, il n’accepterait de s’engager dans une voie qu’il connaissait trop bien. La responsabilité première d’une organisation, il avait donné ! Participer, oui, c’était dans sa nature, mais plus ou moins en dilettante.
De dilettante à dirigeant, la passerelle n’est pas exclue, il aurait du s’en douter. Osons une métaphore ; la destinée du fruit mûr n’est-elle pas de finir dévorée sur place par la guêpe, le frelon, à moins que le piaf ne se charge de le picorer. Dans le meilleur des cas, il migrera dans une savoureuse confiture ou, pourquoi pas comme cerise à l’eau-de-vie ou racorni en pruneau.
Une fois, leur cycle d’activité professionnelle terminée, les Humains ne finissent point en confiture. Devenus des seniors, sauf en cas de revenus très confortables, ils ne mènent point une vie de nabab ou de seigneurs. Non ! Ils sont réputés priser fort randonnées, voyages, repas et autres activités ludiques ou culturelles. Autant d’occupations qui ne doivent rien à la génération spontanée.
En amont et en aval, des petites mains s’affairent, les têtes pensantes cogitent, les jambes tricotent entre deux réunions, les doigts tapotent les claviers d’ordinateurs qui envoient des mails tous azimuts. Cela, notre Homme le savait.
Ce matin-là, levé du bon pied, passant près du local où il avait déjà ses habitudes pour s’enquérir de la prochaine activité associative, tout comme le papillon de nuit attiré par la lampe allumée autour de laquelle il va virevolter, notre Homme vit de la lumière et entra pour un brin de causette.
- Voilà ntre Homme ! Celui qu’on attendait, c’est toi …
- Mais non, pas du tout ! D’abord, j’ai ma femme, mon jardin, la famille, le chien, et puis, je crèche loin d’ici, et les gens ne me connaissent pas, et, et, et …
- Taratata ! D’ailleurs, tu en connais d’autres qui pourraient ? Non ! On a fait le tour, tu es l’Homme de la situation. Oui, vraiment, on a besoin de toi, besoin de toi, besoin …
Et en une seconde, l’Homme bascula dans la voie qui, à l’insu de son plein gré, est la sienne :
- Bon … Si on me choisit pour remplir cette mission, je tenterais d’être l’Homme de la situation, reste à convaincre mon épouse qu’il n’y a pas que des désavantages dans ce nouvel engagement.
Tout en l’ignorant, l’Homme se conformait à ce qu’en disait Confucius « Comme l’eau se forme au récipient qui la contient, un homme sage s’adapte aux circonstances » .
Ce ne fut pas qu’un pis-aller, un acquiescement pour pallier une carence momentanée, mais un investissement dans le besoin de partager des convictions, lutter contre le marasme, la sinistrose qui gangrène notre société, diffusant par petites touches l’anxiété qui agit sur les Humains comme la grande chaleur sur l’escargot, l’enfermant dans sa coquille en attente de la pluie bienfaisante.
Cette décision impromptue conforte l’Homme dans une conviction bien établie : la vie vaut d’être vécue !
Pourquoi « L’Homme » et non pas Pierre, Paul ou Jacques ? Parce que ce choix délibéré du bénévolat responsable, c’est le choix des Femmes et des Hommes qui ont dans le cœur la volonté de partage, convivialité, solidarité …