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Pour sa sortie, sa mère avait envoyé un chauffeur comme pour la fois précédente, et la fois d’avant et celle d’avant l’avant. Elle ne comptait plus le nombre. Pour une énième fois, elle avait obtenu son congé de l’aile psychiatrique de ce grand hôpital privé. Sa mère en avait les moyens, alors pourquoi pas! Cette fois-ci, elle partait après quatre mois d’internement, un séjour un peu plus court que le précédent. C’était son lot. Depuis qu’elle avait 19 ans, cet établissement était devenu son deuxième foyer. Après une première psychose et un état dépressif persistant. Quelques mois de prise en charge par l’équipe soignante, elle finissait par se sentir mieux, suffisamment pour avoir son congé de l’établissement et retourner auprès de sa mère pour vivre selon une certaine normalité jusqu’à ce qu’elle se sente tellement bien et qu’elle abandonne médication et thérapie. Tôt ou tard, son esprit finissait par s’embrouiller, elle ressentait alors une grande fébrilité. L’anxiété peu à peu faisait son nid et finissait par l’anéantir. Elle chutait alors dans un état lamentable, incapable de fonctionner. C’était devenu sa vie. Son état et ses nombreuses rechutes avaient entrainé le divorce de ses parents qui n’étaient pas sur la même longueur d’ondes pour ce qui était de la gestion des crises de leur fille. Son père avait jeté la serviette mais sa mère en était incapable, elle serait là pour sa fille, jusqu’à son dernier souffle. Elle lui en avait fait la promesse. Elle en avait fait son cheval de bataille. Elle récupérait durant les séjours en institution de sa fille. Tel que conseillé par les médecins, elle coupait toute relation avec elle durant les séjours hospitaliers. Elle aimerait plus que tout au monde trouver les moyens pour l’aider mais se sentait, à chaque fois, si impuissante face à l’ampleur de la maladie. Et cette réalité avait d’énormes répercussions sur tout son entourage.

 Aujourd’hui, elle repart sereine, vers la maison de sa mère. Telle une criminelle quittant la prison, elle espère retrouver un semblant de vie normale. Maintenant âgée de 28 ans, elle n’étudie plus, ne travaille pas, n’a pas d’amis(es) et la famille élargie préfère rester loin d’elle. Elle voit son père de temps à autre, histoire de garder un lien tout en sachant que celui-ci n’a aucune intention de la réintégrer dans sa vie.

 Il lui arrive d’espérer une vie plus intéressante, d’avoir envie d’acquérir de l’autonomie et de réaliser des projets. Ces désirs finissent toujours par s’évanouir. L’énergie vient à manquer, ses démons se réveillent et anéantissent le moindre élan.

 Chaque fois qu’elle sort de l’institution pour retourner auprès de sa mère, elle se sent le cœur léger et éprouve de la joie. Un sentiment de liberté s’installe en elle et la comble. Comme un mantra, elle se répète que cette fois-ci sera la bonne, qu’elle a réussi à chasser ses démons et qu’elle saura intervenir au moindre signe de rechute. Pourtant, un doute subsiste immanquablement dans son esprit et gruge le peu de confiance qu’elle éprouve. Elle finira tôt ou tard, par ressentir les premiers signes d’un grand déferlement comme à chaque fois. Ce jour-là, elle saura que les jours sombres se pointent encore une fois.  Et le néant l’absorberait de nouveau.

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