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 L’impuissance m’habite. J’aimerais posséder le pouvoir de changer les choses. Chaque jour, depuis maintenant six années, quatre mois et vingt-deux jours, j’observe Patrick. Ce jeune homme qui paie son dû à la société qui l’a condamné à douze ans de réclusion. Une situation familiale difficile, de mauvaises fréquentations, une grave erreur de jeunesse et le voilà privé de sa liberté à l’âge où le mot liberté se porte comme un vêtement qui nous colle à la peau. J’en ai vu passé des prisonniers dans ce minuscule cagibi qui leur sert de chambre mais surtout de cage et je n’avais avant jamais ressenti cette empathie qui m’habite depuis que j’ai appris à connaître ce jeune contrevenant.

 Les premiers mois de sa détention, sa colère me faisait frémir, il en voulait au monde entier, me frappait de ses mains nues écorchées. Il lui a fallu beaucoup de temps pour reconnaître et comprendre la route qui l’avait conduit ici. Puis, les jours ont passé, sa colère s’est apaisée et le gars s’est alors mis à la réflexion. Peu à peu, son introspection lui a révélé sa dure réalité mais surtout pourquoi il avait pris cette direction plutôt qu’une autre. Il a amèrement regretté avoir emprunté celle de la délinquance et de la criminalité. Au fil des mois, je suis devenu son confident, je sais tout de lui. J’aimerais le prendre dans mes bras et lui offrir toute l’affection dont il a été privé depuis sa naissance. Grandir dans de telles conditions ne pouvait que le mener là où il se trouve actuellement. Il en paie le prix. J’ai pourtant bon espoir qu’il sortira d’ici transformé et qu’il puisera dans sa grande force intérieure pour se bâtir une nouvelle existence. Un être blessé peut guérir j’en suis convaincu. Patrick m’a montré une partie de lui qui mériterait de prendre le dessus sur tout le reste.

 En attendant, j’aimerais lui offrir du réconfort et de l’espoir. Je rêve de devenir transparent pour lui permettre d’admirer le bleu du ciel, les nuages, les étoiles, la lune et l’immensité du monde dans lequel il vit mais qui le boude. J’inventerais des jardins, des bosquets, des arbres matures, des sentiers parsemés de fleurs où les oiseaux lui offriraient une symphonie jour après jour, où de petits animaux viendraient l’éveiller à la beauté du monde extérieur. Rien n’est plus guérisseur que la nature.

 Comme lui, je suis prisonnier du béton duquel on m’a fabriqué, du gris déprimant qui est ma robe de tous les jours, de ma dureté, de ma solidité et de mon impuissance. Tout comme Patrick on ne m’a pas demandé quelle vie je désirerais avoir, on ne m’a pas questionné sur l’environnement que j’aimerais habiter, on a bâti mon existence sans que je n’aie rien à dire.

 Je compatis avec Patrick qui, chaque jour, s’assoit par terre et s’appuie sur moi en pleurant son chagrin, en formulant des promesses, en priant pour que le temps qui lui reste à habiter ici ne soit pas trop difficile.

 Je rêve d’être transparent. Je rêve de m’ouvrir sur un monde où l’air est bon, où le meilleur s’étale et offre l’espoir d’une existence douce.

Je rêve……

Tag(s) : #Textes des auteurs
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