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La lettre est arrivée ce matin. Je m'empresse de l'ouvrir. Impatient, le cœur battant. Peut-être enfin la réponse que j'attends. Juste quelques mots sur un bristol : « Bonjour Élise, voici ce que vous attendez. Bonne chance ! ». Je retourne le petit carton. Simplement une adresse : 622 Throop Avenue New York, États-Unis et cette mention « respectez avec précision le rendez-vous : le 2 octobre à 10h30, heure locale ».

Je ne suis jamais allée si loin dans ma vie. C'est dans quelques semaines. Je ne sais même pas ce qu'il faut que je fasse. On n'entre pas sur le territoire américain comme dans un moulin !  Je fonce sur Internet pour constater que c'est pas gagné ! On me parle de visa, d'ESTA et de tout un charabia à peine compréhensible pour moi. Je ne suis pas une femme qui roule sur l'or, et je n'ai jamais pris l'avion. Tout cela est impossible à mettre en œuvre. Tant pis ! Je ne saurai jamais qui était mon père ! Je suis désespérée.

48 heures à plus tard on sonne à ma porte. J'ouvre. Un homme chevauchant une vieille bicyclette me tend un colis, puis, sans un mot repart aussitôt. Je panique ! Et si c'était un colis piégé ? Aussitôt je pense : mais tu deviens folle ma fille !

Je l'ouvre assez fébrilement en même temps qu'avec lenteur, on ne sait jamais ! Apparaît une pochette en cuir assez jolie et même élégante je dois dire, fermée par un zip. Je l'ouvre lentement et la surprise est intense. À l'intérieur, tout ce qu'il faut pour me rendre à New York, tous les documents nécessaires, un billet d'avion, une adresse d’hôtel et 2.500 $ en billets de banque.

Le jour du départ tout me semble irréel. Je flotte dans ma tête dans laquelle je me suis déjà fait le voyage en imaginaire. J'ai envisagé la rencontre avec mon père, on se tombe dans les bras. Il m'apprend toute l'histoire. Une tragédie ? Une merveilleuse aventure ? Et maintenant que vais-je devenir. Je n'ai même pas de billets d'avion pour le retour ! Mais pourquoi donc ny 'ai-je pas pensé plus tôt. L'avion décolle, la terre devient toute petite, on se retrouve au-dessus des nuages, c'est monotone, je m'endors. Une hôtesse me réveille. L'avion a atterri ! Quoi ? Déjà ? — Madame, vous avez dormi durant tout le vol ! Est-ce que vous vous sentez bien ? Je ne sais même pas comment je me sens, mais je réponds : — oui, oui, tout va bien !

C'est immense New York, démentiel, c'est bruyant et c'est sale. À la sortie de l'aéroport, je donne à un taxi l'adresse de l'hôtel, mais auparavant je lui dis dans mon mauvais anglais que je souhaite au préalable faire un tour dans Brooklyn.

— « Mademoiselle, petite française ! », baragouine-t-il dans un français approximatif mais avec un immense sourire, dévoilant les dents d'une blancheur immaculée et d'une hauteur étonnante !

— « Brooklyn ! Très bon idée pour vous, muséum, Brooklyn Bridge, Dumbo, Coney Island, but dangerous for little française tonight !

Je m'en fous je veux tout voir, être étonnée, m'enivrer de cette immense ville, en avoir le tournis, et finir par retrouver mon père ! Je lui lance : — « yes, yes, go, go ! »

J'ai voulu voir le pont de Brooklyn, mais c'était hypnotique et décevant. Alors j'ai dit : — « Manhattan please », le pont et le quartier. Et là je dois dire que je fus subjuguée, d'autant que la nuit était tombée. Les lumières sur le pont comme des guirlandes de Noël. Les reflets magiques dans l'eau. Les gratte-ciels imposants, illuminés plus qu'il n'est permis. Les immeubles en briques rouges comme des forteresses triomphantes. J'en avais des palpitations cardiaques. New York va-t-elle m'emporter dans les pires délires ?

2 octobre. Il est 10 heures. Le taxi me dépose à proximité de l'adresse indiquée. Throop Avenue est rectiligne, comme toutes les rues de cet immense quartier taillé au cordeau. Vu de haut Brooklyn doit ressembler un immense quadrillage dépersonnalisé. J'ai encore un peu de temps. Tout me semble triste et monotone. Des voitures, des feux rouges, encore des voitures, et encore des feux rouges. Alors certes il y a pas mal d'arbres, mais ils se penchent sur la rue comme s'ils avaient envie de pleurer sur leur pauvre sort.

C'est moi qui ai envie de pleurer. Il n'y aura personne rendez-vous. Ce serait trop beau. Je retourne devant l'adresse reçue. C'est un établissement religieux. Rien à voir avec nos églises françaises, visibles et dégagées sur une place dégagée au milieu du village, parfois en quête de leurs gloires perdues. Là il s'agit d'une bâtisse élevée certes mais sans originalité particulière. Une élévation de pierres tristes et une entrée arrogante de colonnes grises assez kitsch. On hésite : est-ce l'entrée d'un lieu de culte, ou une entrée de cinéma louche à portes battantes rouges ? J'attends dehors, je m'assieds sur les marches. Dubitative, d'une espérance désespérée.

Viendra-t-il ?

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