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Chaque dimanche, je me vois contraint d’accompagner ma femme chez ses parents pour le diner. Semaine après semaine, sans que je ne puisse me défiler, j’assiste au discours ennuyant des événements des sept derniers jours et quand je dis « événement » je suis d’une grande générosité. Le prix des viandes, la voisine malade, le concierge malpropre, le maire excentrique et même les potins amoureux du quartier sont le genre de propos qui circulent à la table entre la soupe et le dessert. Ma femme opine de la tête à chaque révélation de sa mère tandis que mon beau-père se balade dans son monde imaginaire, fuyant les propos de sa femme. Comment puis-je en vouloir à ce cher homme de se dérober à ce charabia ? Moi, c’est le dimanche mais lui, c’est tous les jours. Je sympathise et lui pardonne de ne pas me donner plus d’attention.

Rien à faire pour convaincre ma tendre moitié de mettre un terme à ces soporifiques repas. Fille unique, elle se fait un devoir de répondre au moindre souhait de sa chère maman. J’ai donc pris l’habitude de forcer un peu sur le vin jusqu’à ce que je me sente engourdi et un tantinet plus tolérant. Dimanche dernier, j’ai un peu trop forcé sur le vin et j’ai dit à ma belle-mère que toutes ses histoires de bonne femme m’ennuyaient au plus haut point et qu’elle me tapait sur les nerfs avec ses bavardages insipides. Vous devinez la réaction de la mère et de la fille. Quatre yeux exorbités m’ont poignardé et mon épouse m’a enjoint d’aller faire une sieste, histoire de cuver mon vin. Mon beau-père n’a même pas levé la tête de son assiette. Un petit roupillon m’enchantait, j’allais être exclu des bobards de belle-maman. Après avoir enlevé mes chaussures, je me suis étendu de tout mon long sur l’édredon fleuri décoloré par les années dans la chambre d’enfance de ma femme et j’ai sombré dans un sommeil profond. À mon réveil, un silence inquiétant régnait dans la maison. Sur la pointe des pieds, chaussures à la main, je me dirigeai vers la salle à manger où tout avait été rangé. Aucune trace de ma belle-famille. Où donc se trouvaient-ils tous ? Personne dans le salon, non plus à la cuisine où je vis la corbeille à pain bien garnie me lorgner. J’avais faim, après tout on m’avait privé de mon repas. Je les ai alors vus au jardin en grande conversation. S’apercevant de ma présence à la fenêtre, ils cessèrent de parler et vinrent me rejoindre. Mon seul réflexe fut de bourrer les poches de ma veste de tranches de pain. Réflexe idiot, me direz-vous, mais je me sentais comme un gamin pris en flagrant délit.  

 Ma femme suivie de sa mère et de son père trainassant à l’arrière, entrèrent dans la pièce. Mon épouse me pria de venir m’asseoir au salon, elle avait quelque chose d’important à me dire. Que se passait-il ? Qu’avaient-ils mijoté durant mon sommeil ? J’avais les deux mains dans mes poches et comme un idiot je roulais des boulettes de mie de pain. Tandis que mon beau-père restait debout un peu à l’écart, ma femme et sa mère prirent place côte à côte en face de moi. Je remarquai que ma femme avait les yeux rougis. La voix tremblotante, elle m’annonça que ses parents lui avaient lancé un ultimatum. C’était eux ou moi !  Sans aucune surprise de ma part, elle me confirma qu’elle ne pourrait jamais s’éloigner de sa famille. J’étais donc invité à quitter notre appartement le plus rapidement possible. Son avocat verrait à me faire parvenir les documents nécessaires pour un divorce en bonne et due forme.

 Surpris par ce que je venais d’entendre, je me levai d’un bond et me sortis rapidement les mains des poches de ma veste, des dizaines de boulettes de mie de pain roulèrent sur le tapis à nos pieds, rien pour regagner l’estime de cette famille.

 Je n’en étais pas à ma première boulette il va sans dire et probablement pas à la dernière.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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