Le père et le fils ne font qu’un, mais leurs images, observées, se distinguent.
Le père est absent, il travaille au loin depuis des mois maintenant. Il monte sur les toits, construit des charpentes pour les riches maisons des maîtres. Tel est son destin et il l’accepte sans arrière-pensée. Sa vie est ailleurs.
Le fils courre tout autour de leur modeste maison, dans le petit village écrasé par le soleil de midi. Essoufflé, il s’arrête au milieu de la pièce unique de la maison et regarde, émerveillé, les fourmis dont la fine caravane trace, imperturbable, une ligne sinueuse et continue entre le plateau de la table du repas, avec encore quelques miettes de matza, le pied de la table, et la rainure du plancher de bois brut qui donne accès directement à l’entrée secrète de leur nid souterrain et vibrant.
Ayant repris son souffle, l’enfant reprend sa course folle en sens inverse, s’étourdissant à la recherche de dieu sait quelle inspiration ou pensée.
Derrière la maison, près du puits, la mère regarde en direction de l’horizon, rêveuse. Les rayures verticales de sa robe suivent les courbes de son corps fuselé au ventre arrondi, comme les lignes de niveau de la nouvelle carte du monde.