J'entre dans la pièce et dans l'instant, tout se fige. Un silence glacial emplit l'espace. Un silence de mort s'abat sur moi. Il m'enveloppe de la tête au pied. Je sens ce froid qui me pénètre les chairs. Je suis glacée de l'intérieur. Ma respiration s'est ralentie de peur de briser ce silence. J'essaie de me faire toute petite. Seuls mes yeux bougent, de gauche à droite, de droite à gauche, en haut, en bas. Je suis en alerte. Tous mes sens sont en éveil. Ça fait 4 mois que je ne suis pas revenue.
Telle une panthère, je suis sur le qui-vive. Je me concentre. Plus rien n’existe que cet instant.
Je perçois le bruit de la rue au loin, le chant des oiseaux annonçant l’arrivée du printemps, le marteau-piqueur martelant encore et encore le bitume, le vrombissement des voitures et le silence étourdissant de la pièce. Ne pas se laisser distraire. Je ne veux rien occulter. Le moindre détail a son importance.
J'ai la gorge sèche. J'ai du mal à respirer. Ma vue se trouble l'espace d'un instant. Mais, je me ressaisis aussitôt. Je veux garder le contrôle de la situation. Je ne veux en aucun cas qu’ils puissent croire qu’ils pourraient me déstabiliser. Mais, quel est ce frisson qui glisse le long de mon échine ? Est-ce la peur qui va guider mon esprit ou bien vais-je réussir à tenir à distance ce trouble qui grandit en moi ? Je cherche en moi les ressources nécessaires à ma survie. Retrouver mon instinct animal. Je me dois d'être la plus féline possible. Ne pas être la proie mais bien la prédatrice. Jouer, bluffer, ne pas être dupe et frapper. Être la plus maline. Faire fi du malaise que je sens poindre en moi. Chasser ce haut-le-cœur qui me rend faible et vulnérable. Je déteste me sentir si émotive. Reprendre le pouvoir et ne rien laisser paraître.
J’avance d’un pas et un léger étourdissement me fait vaciller. Ils ont tout enlevé. Il ne reste plus rien de mon passage, comme si je n’avais jamais été là. Ils ont continué sans moi. Je suis là debout mais personne ne semble me voir. Alors, quoi ? Je devrais faire comme si de rien n’était ?!
Un infime moment d’égarement me fait hésiter mais je sais pourquoi je suis revenue et rien ni personne ne doit me détourner de mon objectif. Je prends une grande inspiration et je regarde droit devant moi. L’ivresse de ma vindicte est à l’aune de mes blessures et de ma désillusion. Mon destin est en marche. Je vais les tuer. Je vais les massacrer.