À peine arrivé à l’adresse indiquée sur le pamphlet qu’il tient avec force dans ses mains, les malaises apparaissent : étourdissements, sueurs, respiration saccadée, mal de ventre, bouche sèche, frissons et cette désagréable sensation qui lui envoie le message qu’il tombera dans les pommes dans quelques secondes. Aucun son ne réussit à sortir de sa bouche. Il s’assoit sur la première chaise qu’il repère à l’arrière de la salle et se concentre sur l’air qui entre dans ses poumons. Lente inspiration par le nez, lente expiration par la bouche. Cet exercice lui demande toute sa concentration. Après quelques minutes, respirer devient moins laborieux. Vaincre le Monstre, voilà son défi. Toute son attention est centrée sur les signaux de détresse envoyés par son corps même en sachant que c’est sa tête qui mène le bal. Il n’a pourtant rien à craindre, il le sait, toutes les personnes présentes, à l’acception de l’animateur de la réunion, sont dans la même situation que lui. Ils sont tous là pour les mêmes raisons. Malgré ses efforts, il constate que rien n’est magique et que les symptômes continuent de s’incruster dans sa chair et dans sa tête. Il a peur d’en mourir, en même temps, il souhaiterait en mourir pour que cessent sa détresse, ses douleurs physiques, sa gêne et par-dessus tout, la honte qu’il ressent en permanence.
Une voix douce et rassurante arrive jusqu’à lui, pleine de bienveillance et d’encouragement. Une voix qui le guide, l’encourage, qui dissipe peu à peu le marasme dans lequel il se noie. Il parvient, non sans difficulté, à se frayer un chemin jusqu’au cercle formé par les autres participants, au regard fuyant ou à la tête baissée. Il prend place entre deux participants et se concentre sur ses mains soudées l’une à l’autre. La tension qui règne dans la pièce s’amoindrit. Une douce musique les apaise et le premier exercice de relaxation débute. La rencontre se poursuit en les amenant peu à peu dans un état de confiance où leur malaise respectif s’atténue. Ce malaise ou mal-être ne quittera pas complètement la pièce, il est beaucoup trop tenace. Cependant, l’espoir germe peu à peu en lui. L’envie de trouver sa place dans le monde extérieur qui l’effraie tant est grande et forte. Difficile de vivre avec des problèmes de santé mentale, difficile d’y faire face, difficile de réussir à chasser les pensées négatives, les maux physiques et la souffrance mentale qui s’installent à demeure. Difficile mais pas impossible se répète-t-il, tel un mantra.
Passer du malaise à l’affirmation de soi n’est pas chose facile, il le constate chaque jour de cette longue traversée dans le désert. Les jugements gratuits et les regards pathétiques posés sur lui et ses semblables demeurent insoutenables et pourtant, personne n’est à l’abri de l’arrivée du Monstre dans sa vie.
À petites doses, il apprivoise son malaise et le supplie de le laisser vivre sa vie pour faire place à la confiance en soi qu’il a bien connue jadis. C’est avec elle qu’il désire faire équipe et reprendre sa vie en main.