P227 Gisèle – Cri et silence

Son cri s’éteint dans un silence terrifiant.

Un silence lourd, lourd de sens. Thomas, affolé, court à perdre haleine et ne peut pas croire qu’il ne la voit nulle part. Elle est partie quelques minutes avant lui, le temps qu’il récupère sa gourde et son chapeau dans le coffre de la voiture. Il a entendu un cri suivi d’un silence inquiétant. Comment aurait-t-elle pu tomber avant même qu’il ne la rejoigne ? Il regarde par-dessus le parapet en scrutant le ravin. C’est profond, ses yeux éprouvent de la difficulté à bien voir. Voit-il vraiment une silhouette allongée tout en bas ou est-ce son imagination qui lui joue des tours ?

Il est seul dans cet endroit désert où ils se sont arrêtés pour admirer le paysage d’une grande beauté. À l’arrière-plan, les montagnes, immenses, gracieuses aux pics enneigés et aux flancs escarpés témoins du drame mais impuissantes à l’aider à comprendre. Ce n’est pas possible, se dit-il, elle ne peut pas être tombée, ça n’a aucun sens. Il voit ses traces de pas dans la terre sablonneuse et se demande comment elle a pu se retrouver de l’autre côté, ça ne ressemble guère à Catherine de s’aventurer ainsi.

Ils ont, tout simplement, eu envie de faire quelques photos. Que s’est-il passé dans un si court laps de temps ? Impossible d’appeler les secours, aucun signal sur son portable. Qu’est-ce qu’il doit faire ? Il n’en sait rien. Il se trouve à une centaine de kilomètres de la grande route. Il ne peut se résoudre à la quitter, la laissant là gisant au fond du ravin, sans savoir dans quel état elle est, impossible pour lui d’agir ainsi. Il répète son prénom dans une longue litanie. Il finit par s’asseoir sur le côté de la route et pleure tout son soûl.

Une fois calmé, il se relève, tourne en rond et réfléchit. Il se rappelle soudain que Catherine possède une paire de jumelles dans ses bagages. Il retourne à l’auto et vide le sac à dos de sa campagne pour finalement découvrir dans une des pochettes latérales ce qu’il cherche. Il retourne là où les chaussures de Catherine ont laissé des traces et commence par observer le fond du ravin. Il l’aperçoit enfin, allongée, inerte sur le fond rocailleux de la falaise, aucun signe de vie visible.

La panique l’envahit à nouveau quand tout à coup, il entend un bruit de moteur qui se rapproche de plus en plus. Va-t-il enfin avoir de l’aide ? L’image de son amoureuse prend toute la place dans son cerveau ébranlé. Une voiture arrive et s’arrête devant le désarroi de Thomas. Trois jeunes voyageurs se trouvent à bord. Ensemble, ils décident que deux d’entre eux resteront avec Thomas tandis que le troisième ira chercher du secours pour récupérer le corps de la jeune fille.

Un des jeunes hommes observe la scène, scrute la paroi. Tout à coup, il pointe du doigt une caméra suspendue à une branche à moins de 1 mètre de la route. Thomas confirme que c’est bien celle de Catherine. Il présume donc qu’elle a sans doute voulu la récupérer et serait tombée.

C’est la seule explication possible, pense-t-il.