Il ne faisait pas bon, faire lever Jojo de bonne heure. Dans ce cas, il était très maladroit, ne serait-ce que pour enfiler ses brodequins, surtout lorsqu’il n’avait pas pris la précaution d’allumer la lumière de sa chambre. Par économie, il se contentait de la lueur produite par le lampadaire de la rue s’insinuant au travers des stores de sa chambre à peine fermés.
Il sortit sur le pas de sa porte en essayant d’observer alentour, il n’y voyait pas à deux mètres, ainsi, même le plus hardi des rayons du soleil n’était pas prêt de percer le brouillard laiteux de ce début de journée, se dit-il.
Il aurait bien prolongé sa nuit, mais le jardin n’attendait pas. Il alla dans sa remise pour y chercher sa bicyclette et la chevaucha si maladroitement qu’il chuta et de rage la déposa où il l’avait prise. Il était préférable pour lui d’y aller à pied, même s’il allait mettre plus de temps, pensa-t-il. Jojo marchait maintenant sur la berge du canal avec la démarche chaloupée d’un danseur de tango, un tant soit peu ivre. À certains moments, on aurait pu craindre de le voir tomber à l’eau, mais que nenni, il tenait bon.
Pour autant qu’il s’en souvienne, le jardin n’était plus si loin et il avait vraiment hâte d’y arriver. Un fragment de seconde, il eut l’impression de se trouver devant, mais non. Il n’était vraiment pas bien ce matin et son air moribond laissait penser qu’il était aussi ivre que lorsqu’il s’était couché. Sa balade s’éternisait. Il n’était toujours pas arrivé à ce fichu jardin. Où pouvait-il bien être, se demanda-t-il ? Après avoir longé le canal, il avait obliqué sur la droite vers une rue qu’il ne reconnaissait pas, pourtant, il était natif d’ici et connaissait tous les coins et recoins de la ville ! Il rageait de n’être toujours pas arrivé à destination, d’être encore en train de batifoler dehors par un temps pareil, alors qu’il aurait été si bien dans son lit. Il n’avait plus qu’à rentrer, justement, il était à nouveau devant sa porte qu’il n’eut juste qu’à pousser. En partant, il ne l’avait même pas fermé !