Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Il est tout bonnement parti au beau milieu de la nuit, en pyjama, chaussé de ses vieilles pantoufles en prenant soin de prendre son parapluie avant de franchir la porte. Il a marché des heures sans savoir où il allait et pourquoi. Au lever du jour, le voilà rendu sur l’autoroute. Fatigué, il commence à s’affoler.  C’est embrouillé dans sa tête et l’anxiété l’envahit complètement. De plus en plus d’automobiles défilent rapidement et il lui vient tout à coup des relents de sa jeunesse. Il marche maintenant de reculons pour faire face aux véhicules, il tend le bras droit et lève le pouce en l’air. Il ne sait pas pourquoi il fait ça mais ça lui rappelle quelque chose de déjà vécu et ça le rassure. Ça roule à toute allure et personne n’arrête. Il a faim et voudrait bien s’arrêter de marcher et rentrer à la maison pour manger. Y’a une vieille dame à la maison, il ne sait pas qui elle est mais elle est plutôt gentille, elle lui prépare ses repas et l’aide à se laver. Parfois, elle soupire très fort et semble exaspérée, il ne sait pas pourquoi. Épuisé et affamé, il continue sa marche.

Les autorités s’inquiètent de la disparition d’un vieillard de 87 ans souffrant de la maladie d’Alzheimer. À son réveil, vers 5h30, Madeleine a constaté que son mari n’était ni dans la maison ni dans la cour. Alertés, voisins et amis ont fait le tour du quartier, aucune trace d’Ernest. On a donc prévenu les policiers de sa disparition. Une autre fois ! Régulièrement, il quitte la maison et erre dans le quartier mais là personne ne l’a vu et aucune trace de lui. Va falloir agrandir le périmètre de recherche et prévenir les patrouilles. Des communiqués à la radio et à la télévision sont émis.

L’épouse du disparu est dans tous ses états, elle frôle les 90 ans et n’est plus très alerte. On rejoint les services d’aide et la travailleuse sociale assignée au dossier lui rend visite. « Madeleine, vous et Ernest ne pouvez continuer à vivre avec ces inquiétudes, faut vraiment songer à aller vivre dans une maison où on prendra bien soin de vous deux et où vous serez en sécurité. »  Madeleine pleurniche et raconte qu’ils vivent dans ce logement depuis leur mariage en juin 1956. Pas d’enfant, pas de petits-enfants et plus aucune famille, ils sont maintenant seuls au monde. Raison de plus pour les convaincre de partir de ce logement malgré leur attachement et leur insécurité. Cette histoire est d’une tristesse incroyable et malgré l’aide et le support apportés ça ne suffit plus, il faut maintenant passer à une autre étape, il en va de leur sécurité.

Martin, lui, roule à toute allure sur l’autoroute, il va rejoindre un groupe d’amis pour une journée de golf, une des dernières de la saison. Tout en dégustant une gorgée de café, il fredonne l’air joué à la radio, son humeur est au beau fixe. Un bulletin de nouvelles suit la prestation musicale et on demande à la population d’être vigilant, une personne âgée manque à l’appel, suivent d’autres infos que Martin n’écoute que d’une oreille distraite tout absorbé par la journée qui l’attend. Il aperçoit soudain un autostoppeur, lui qui croyait qu’on ne pratiquait plus ce moyen de transport. Ça le fait sourire et lui rappelle des souvenirs de son adolescence et de sa jeune vie d’adulte, avant le mariage et les enfants. Ça lui semble si loin cette période de sa vie. Il se laisse tenter par l’idée d’arrêter pour embarquer la personne même si la prudence est de mise, le monde n’est plus ce qu’il était. Plus il approche et plus la personne lui semble bizarre. Lorsqu’il immobilise son véhicule, il se rend compte que c’est un vieillard à l’air hagard qu’il a devant lui. Il est ravi de s’être arrêté et de pouvoir aider cet homme. Il appelle immédiatement le 911 avant d’aller rejoindre Ernest et de le rassurer en attendant l’arrivée des policiers. Il aura une anecdote à raconter à ses amis golfeurs.

Tag(s) : #Textes des auteurs
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :