P207 Marielle - 35 minutes dans la vie d’un homme

13:45

« Je ne vais tout de même pas passer ma vie à attendre ma femme ! » grommela Stéphane en consultant nerveusement sa montre. Il était arrivé à l’heure, comme il en avait coutume, « question de respect » disait-il, « le temps des autres a autant de valeur que le mien ».

Depuis, il scrute la rue depuis sa table en terrasse, sur son coin de trottoir ou les piétons pressés zigzaguent entre les voitures mal garées. Il a fini depuis longtemps son café commandé pour réserver la table. Il cherche à la joindre mais bien entendu, le portable est soit éteint, soit sur silencieux, elle ne répond pas. Lui qui se réjouissait de ce moment passé avec elle !  Il a tant à faire au bureau ! Il sent la déception monter en lui. A-t-elle si peu de considération pour lui ? Elle connait pourtant son impatience !  Il décide d’attendre encore 10 minutes, puis il partira en lui laissant un message.

13:50

Elle l’appelle enfin : un embouteillage.  Pas étonnant en pleine journée, elle aurait dû partir plus tôt ! Il est soulagé cependant de la savoir en route. Un jeune couple vient s’asseoir à la table voisine. Très amoureux apparemment. Elle est jolie et s’enthousiasme pour l’œuvre de Frank Gehry. Lui l’écoute avec ferveur. Stéphane pense à leur voyage à Bilbao avec émotion, c’est devant ce musée aux formes étonnantes que leur couple s’était formé. Il remarque l’odeur sucré des tilleuls en fleur.

14:00

Deux heures sonnent à l’église St Ambroise. Une demi-heure, déjà ! L’église a peu d’attraits mais ses cloches vigoureuses mettent le cœur en fête. Il se détend, allume une cigarette, et regarde, amusé, une très élégante vieille dame coiffée d’un turban à la Simone de Beauvoir savourer un baba au rhum derrière la vitre de la brasserie. Il s’interroge sur la vie de cette femme, probablement veuve ayant ses habitudes aux « Cent Kilos ».  Il commande également un baba et un expresso. Autant occuper son temps agréablement.  Un moineau vient se poser sur la table voisine, un poids plume tout en vivacité. Le soleil filtre à travers les arbres. Paris est bien agréable au printemps. 

14.05

Corinne arrive enfin de sa démarche souple, un sourire un peu inquiet aux lèvres. Il la contemple, émerveillé, se lève et l’embrasse avec tendresse.