P207 Jacques – Prolonger l’attente

- Gérôme

- Oui

- Tu sais, je crois que ça ne va pas tarder

- Tu crois, tu penses ou tu es sûr ?

- Je le sens

- Tu le sens ou tu espères ?

- Huuum, j'ai l'impression que toi, tu ne l'espères pas pour tout de suite

- Ben là, heu, non, tout de suite, ça ne m'arrange pas. C'est pour ça que je te demande...

- Tu sais, Gérôme, ce n'est pas moi qui décide : c'est lui... Ou elle.

- Alors je vais lui parler. Attend. Je pose ma main sur ton ventre, là, là, je sens une petite bosse. Hou, il t'a donné un coup de pied, là.

- Tu vois, il se sent à l'étroit, il veut de l'espace.

- Bonjour, Bébé, c'est Papa. Ah tu viens sous ma main : tu reconnais ma voix. Ta maman et moi, nous sommes impatients de te voir. On guette tes moindres mouvements depuis tant de mois. Et toi aussi, je suis sûr que tu voudrais bien voir à quoi on ressemble ? Alors écoute, ce soir, je ne suis pas bien dispo pour te recevoir. Ce serai bien si tu pouvais attendre demain soir. Je serai plus libre pour t'accueillir avec joie : je serai entièrement disponible pour toi.

- Ho ben t'es gonflé, Gérôme, tu penses un peu à lui ?

- Mais je ne pense qu'à lui, à l'accueillir avec toute la sérénité à cet heureux événement.

- À Gérôme, tu me fais rire. Tu penses à lui pour qu'il te laisse encore un jour de liberté. Tu veux encore le faire attendre. Tu n'es pas pressé de voir quel enfant nous avons fait avec tant de tendresse et de bonheur ?

- Si, Marlène, bien sûr que si, mais là, je lui demande juste d'attendre un tout petit peu, le temps que je finisse ce boulot pour la boîte...

- Tu sais, il faut que tu sois prêt : ça ne fait que commencer. Quand il aura faim, quand il pleurera, quand il faudra changer sa couche, tu ne pourras pas lui dire d'attendre. Un bébé, c'est un monde d'impatience.

- Oui, je sais...

- Tu sais ? Alors, si tu es prêt, peut-être qu'il n'est plus temps d'espérer prolonger l'attente ?

- Ça y est, notre monde change ?

- Notre monde s'ouvre.

- Notre première attente se termine ?

- Je le sens, Gérôme

- Alors, on y va, Marlène ?