Tout n'est que vacarme, foule et confusion.
C'est jour de marché sur la Grand Place.
De partout fusent des rires et des cris : du côté des camelots vantant leurs marchandises comme des enfants courant dans les traverses.
Des couleurs, des parfums, des sons envahissent l'espace : ici, les fleurs à l'étalage, là, les galettes-saucisses et plus loin, le marchand de primeurs vociférant.
Les chalands, eux, ont ressorti leurs tenues d'été, en ce début d'automne dont on s'étonne qu'il apparaisse déjà sur les calendriers.
Et là, à l'écart de l'agitation qui règne à travers les étals, un homme en terrasse attend en sirotant un demi au Café de la place. Le temps semble s'être arrêté sur lui. Il observe scrupuleusement pendant que ses rêveries le conduisent à une femme.
Ils s'étaient rencontrés dans ce même bar, qui vend un grand choix de vins et bières, une semaine auparavant. Suivant les heures, s'alternaient jeunes et moins jeunes.
Un après-midi, pour tuer le temps, elle avait décidé de s'initier à la calligraphie, attablée avec un verre de Coteaux du Layon, dont elle sirotait chaque gorgée délicatement.
L'homme, attiré par cette préciosité, et bien qu'en présence d'un ami, avait quitté le bar pour engager la conversation avec cette femme à la tenue bohème.
Il s'invita rapidement à s'asseoir à ses côtés quand, en voyant ses écrits, il lui avait prodigué quelques conseils, lui l'ancien étudiant des Beaux-arts.
A les voir échanger de manière aussi naturelle, on aurait pu croire qu'ils formaient un couple déjà complice.
Ils avaient partagé un autre verre, puis l'homme avait rejoint son ami au comptoir, non sans avoir invité la femme à un rendez-vous au même endroit, le jeudi suivant à midi. Il devait ensuite quitter la région le temps de vendanges en Champagne. Il ne savait quand il reviendrait précisément.
Chaque jour de la semaine qui suivit, il guetta l'intérieur et la terrasse de l'établissement pour voir si entre-temps, elle ne compterait pas à nouveau parmi les clients. A son grand regret, il n'en fut rien. Heureusement, chaque jour passé le rapprochait plus de la rencontre convenue.
Ce jeudi donc, en cet automne décidément au parfum d'été indien et avec 30 minutes d'avance, il choisit la terrasse pour attendre la femme. Le coude accolé à la rambarde en bois, il espérait voir la silhouette, qui, dans ses pensées lui semblait déjà familière, apparaître tout droit sortie de la foule.
Oui, au fil de la conversation, il saurait lui proposer de partir en Champagne avec lui, pour poursuivre une histoire si joliment amorcée. Et en tout bon romantique qu'il était, il se disait qu'elle accepterait facilement.
Alors les cloches de la ville carillonnèrent midi et résonnèrent en lui comme sa dernière chance
Et elle n'est pas venue.