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Immobile, les yeux à demi-clos, l’homme accroupi regarde au loin.

Un spectacle d’une rare beauté s’étale sous ses yeux ébahis. La tempête d'hier avait laissé un paysage flamboyant pareil à une symphonie de couleurs où se découvre la pureté de la neige qui éclate au grand jour. Le soleil à son zénith se fait fier comme un paon.   

Son arc et son carquois rempli de flèches aux pennes d’un noir bleuté, pendent avec paresse en bandoulière sur son côté gauche. Posée à son côté, attentive, sa fidèle carabine à la crosse usée de l’avoir si souvent cajolée, brille.

À l’affût des moindres sons égarés que la neige émettrait en crissant sous les pas de la proie en fuite, sa main velue se pose sur son plexus solaire. Il attend. Il reste coi dans un calme habillé d’une fébrilité retenue. En compagnie de la patience domptée, il espère l’acte ultime de la bravoure.           

Et voilà qu'il devine déjà les odeurs particulières, ces exhalaisons primitives, significatives de la sudation de la chair, chargées du travail quotidien de ces bêtes infatigables, dans leur voyage rituel, en quête du pacage saisonnier. Celles aussi, plus intimes encore, que le vent transporte sous ses ailes protectrices, et qui guident ses pas incertains. Elles lui parviennent en de lointains effluves d’urine chaude, mêlés aux sueurs musquées de ces mâles quadrupèdes en rut.

Recouverts d’une épaisse toison de poils, splendides conquérants des grands espaces plats, aux forêts d’épineux rabougris, les Élans d’Amérique se reconnaissent facilement de loin. Leurs magnifiques panaches de virilité, dont les cornes acérées ornent fièrement leur forte tête, deviennent le symbole de la domination sur la meute. Véritable talisman d’une valeur si précieuse, qui couronnera un jour, la fierté du chasseur. Car depuis sa toute première sortie en forêt, il avait fait de cet animal puissant, patient et paisible, son fétiche personnel. Il était devenu son totem. L'emblème protecteur de son clan.

L’incontournable destin de ces mastodontes le touche droit au cœur. Il se reconnait en eux. Dans ses gestes routiniers de chasseur, il marche lui aussi, au rythme des saisons. D’un territoire de chasse à l’autre, sans se rebuter à la tâche, de l’aurore au coucher du jour, sans même oser défier l’ordre naturel des choses, il poursuit sa route au-delà les obstacles rencontrés.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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