Il était 18h54 quand mon verre vide de whisky arriva droit sur moi. J’eus juste le temps de le rattraper. Je l'ai regardé interloqué.
-"La prochaine fois, tu éviteras de le laisser traîner, j'en ai assez de ramasser toutes tes affaires"
me lança Laure, très en colère.
Un glaçon était tombé sur la moquette, il fondait lentement.
-"Tu vois ce glaçon, me dit-elle, il ressemble à ton cœur, aussi froid, aussi glacial ! Tu ne me vois plus Julien ! Débrouille-toi pour manger ce soir, fais-toi des spaghettis à la sauce tomate, ton plat préféré !" ironisa-elle.
Elle prit son sac, mit sa veste à carreaux et sortit en claquant la porte.
Je m'assis sur le canapé, abasourdi, qu’avais-je fait ou plutôt que n'avais-je pas fait ? Je n'avais pas oublié son anniversaire, je me pliais aux repas dominicaux chez ses parents...
Il est vrai qu'avec le temps ma participation à la vie domestique s'était étiolée. Je m'occupais des poubelles et des courses. J’adorai aller au supermarché, je choisissais mes gâteaux préférés, mon chocolat au lait noisette, quelques bouteilles de bon vin. Laure me reprochait souvent d'avoir oublié la moitié des produits, elle devait y retourner. Quant aux poubelles, j'attendais qu'elles débordent avant de me résigner à les descendre.
De là à me comparer à un glaçon, je trouvais cela exagéré. Mais Laure avait raison, une certaine lassitude s'était installée, je rentrais du travail ,l'embrassais du bout des lèvres, avant d'aller m'affaler sur le canapé, un verre de whisky à la main.
Les spaghettis ne me tentaient pas, alors je sortis pour commander une pizza.
C'est en passant devant la bijouterie de la rue des Tilleuls, que son reflet attira mon attention.
Un joli cristal biseauté, Laure allait adorer.
Elle rentra vers 22h, mon petit paquet l'attendait posé sur mon verre de whisky. Elle le vit tout de suite, avec un demi-sourire, elle l'ouvrit.
-"Tu es un adorable petit glaçon" me chuchota-elle en se serrant dans mes bras, une douce chaleur m'envahit.
-"Si j'étais de glace, je ne serai plus qu'une misérable flaque d'eau " lui murmurais-je à l'oreille.