Du jour où on m'a dit que j'étais un glaçon, j'ai commencé à fondre. Mais pas au sens primaire comme vous vous y attendez probablement. Non, non ! En réalité, j'ai commencé à fondre de plaisir....
Durant toutes ces années, je m'étais suffisamment entendu dire que j'étais un vil personnage, un être abject, un esprit cynique, un homme antipathique. J'avais beau rester de glace face à ces critiques, elles m'atteignaient parfois car m'isolaient. Comment, avec les sobriquets que l'on me prêtait, me faire des amis ? Comment ne serait-ce que rallier un groupe ?
Au terme d'une longue réflexion, je décidai de me muer en glaçon afin de me fondre dans une masse, même éphémère. Je n'y trouvai point des camarades, mais des congénères à qui me frotter. Il va de soi que nous nous confondions, semblables de par notre forme cubique.
Mais je tirais de cette situation un certain délice. Désormais, j'étais un élément solide, inerte et transparent. Fini les brimades, les insultes, les réprimandes. Elles me traversaient sans imprimer mon esprit, me coulaient dessus sans s'accrocher à moi.
Quelque chose me torturait pourtant et certains jours, m'amenait même à me morfondre. Je savais ma fin proche. De jour comme de nuit, on cueillait de nombreux de mes pareils pour satisfaire noctambules et lève-tôt. En me faufilant au plus profond du congélateur, j'avais jusque-là réussi à échapper à mon destin. Mais ce que je craignais se produit. Une nuit, une main velue plongea ses doigts dans le réceptacle où nous trouvions tous agglutinés, nous prenant par surprise. Cette fois, je n'eus pas le temps de trouver refuge où que ce soit et c'est dans un bruit assourdissant que les doigts nous projetèrent dans un saladier de punch.
Et vous le comprendrez, je ne suis plus à même de poursuivre mon récit.