Fragile, TRES fragile
Légère
Transparente
Vide
Trois coups de pinceau rouge et argenté
Bulle de verre
Boule de Noël
A 4 ans, la petite fille l’avait rapportée de la crèche, comme la huitième merveille du monde, soigneusement emballée dans un petit carton de papier bariolé d’écoline. Elle la portait des deux mains, les yeux brillants, son unique fossette bien marquée, et elle disait : « Elle est fragile, TRES fragile ! »
Elle avait insisté pour qu’elle soit suspendue en dernier sur l’arbre de Noël, après tous les risques de secousses et de vibration, sur la plus haute branche pour que personne ne la touche. Lorsque le chat jouait avec une guirlande, elle poussait de hauts cris et le renvoyait sur son coussin. Le jour de la fête, la boule brillait à la lueur des bougies et la petite n’avait d’yeux que pour elle, oubliant les cadeaux cachés au pied de l’arbre.
Dernière suspendue, première dépendue. Seule sa maman avait le droit de la toucher, si légère et transparente. Toute la famille retenait sa respiration alors que, sur la pointe des pieds, la maman détachait délicatement le fin ruban des épines déjà sèches et la déposait tout aussi délicatement dans son écrin de papier de soie et refermait le couvercle décoré.
Ce n’est qu’une bulle de verre, décoré de trois coups de pinceau rouge et argenté, un cadeau vite fait mais ô combien précieux. Sa valeur tient dans sa fragilité. Une bulle vide, mais pleine d’affection, de chaleur et de sens.
Année après année, elle est toujours là, dernière suspendue, première dépendue, manipulée avec la plus grande délicatesse. Emballée avec soin, décorée de quelques perles du suif rouge et or, elle attend le prochain Noël…