Chaque enfant devenu grand a dans son souvenir, je crois, un objet particulier qui a capté son attention et l’a fasciné pendant des heures : un cadran solaire, le feu qui crépite dans la cheminée, un thermomètre qui déplace des bulles de verre selon les variations de température, un pendule qui oscille et trace un sillon imprévisible sur une surface de sable…
Mes grands-parents avaient un sablier très particulier élaboré pour les 150 ans de l’école d’horlogerie de Genève, en 1974. A la fois simple, élégant et moderne. Les deux petits espaces contenant le sable sont reliés par un interstice qui permet aux grains de s’échapper. Ce dispositif est inséré dans un tube de verre transparent, rempli d’un liquide visqueux et d’une bulle d’air, lui-même encadré par trois fines tiges de métal, reliées à un disque qui tient lieu de pied, l’un dessous et un autre dessus. Alors que le sable s’écoule doucement, la partie centrale s’élève relativement rapidement. On retourne le sablier, elle monte à nouveau.
Combien de temps avons-nous passé, enfants, à contempler ce sablier ? Il rythmait certains de nos jeux, assis sur les escaliers. Il animait des après-midi pluvieuses et ennuyeuses.
Combien de temps à admirer l’ascension des gouttes de verre, l’arrêt contre la bulle d’air, la création du petit cône de sable, l’immobilité retrouvée ?
A force d’observer le temps qui passe, le temps ne compte plus, il n’existe plus, il disparaît, il se dilate…
A chacun de nous, enfant devenu grand,
de saisir entre nos doigts les objets qui nous entourent,
les cailloux d’une ballade en montagne, les coquillages sur la plage, une bonne tasse de thé,
à nous de laisser le temps s’écouler sans le retenir et
tout en profitant de l’instant présent,
créer des bulles d’éternité…