Les notes droites comme des portemanteaux
Sur la portée de notre monde en lambeaux
Soulignent la fragilité du chemin à suivre
Entre silences, soupirs et interlignes ivres
Dont nous voudrions tous découvrir la clef.
Première ligne, l’enfant se blottit contre le sein
De sa mère attendrie – Quel délicieux coussin !
Et découvre le monde de ses yeux, le dévore,
Les cheveux en bataille, la frange en désordre.
Et papa, à la guitare, joue une comptine sucrée.
Deuxième ligne, la ronde et la croche chahutent,
Do, Ré, mi, fa, sol, dans un joyeux tumulte
La, si, do, l’enfant candide s’élève puis grandit
Do, Ré, mi, fa, sol, un nouveau monde surgit
Au-delà de l’horizon d’une feuille de papier.
Troisième ligne et quelques bémols inversés,
La mesure se rebelle, s’égare puis disparait,
Prend de la hauteur et s’enflamme sans détour,
Et l’enfant au cœur d’artichaut saigne d’amour
Et les notes graves se carapatent de la portée.
Vient la quatrième, avec ses nuances inspirantes,
Chargeant nos chemins d’illusions affligeantes
Qui farcissent nos esprits de dièses ou de bémols
Entre deux octaves, les notes sauvages s’affolent
Et aucune clef de sol ne pourra rien y changer.
A la cinquième ligne, les notes se sont égarées.
Le do patauge, le sol se dérobe et le fa perd sa clef.
Mais nos flammes jumelles cimentées à jamais
Se retrouveront un jour sur une autre portée
Entre deux interlignes sur une feuille de papier.