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En ce 2 mai et quelque chose,

 

Bon le matin, chère Rose,

 

Ce mailing, courte divagation dans ce publipostage, t’est envoyé par courrier recommandé, comme tu peux si aisément le remarquer. Je me devais d’agir ainsi, vu sa grande importance.  J’espère donc, qu’en main propre, tu apposeras ta signature avant et afin d’ouvrir ce pli, qui j’espère, ne produira aucun pli dans notre relation ?

 

Coquin et drolatique jusqu’à la dernière lettre, n’est-ce pas ?

 

Tu sais, toi ma précieuse amie, que je me retenais de faire le grand ménage du printemps depuis un long moment. Toutes ces vieilleries inutiles qui encombraient le garage adjacent à la maison de campagne alourdissaient aussi mon existence. Je me sentais jumelé à ces amas inertes d’objets obsolètes autant dans leur usage que dans leur style disparate. Comme si, comme eux, j’étais devenu avec les ans vraiment dépassé et inutile. Mais en vain, même ce sentiment profond et puissant d’inutilité, ne changea rien à ma mauvaise habitude, de toujours remettre à demain. Au contraire.

 

Cependant, tôt ou tard, il deviendrait nécessaire de passer à l’acte de séparation et de le maintenir jusqu’à la fin de l’opération. Difficile à imaginer, car j’étais si attaché à tous ces objets.

 

À maintes occasions, j’éloignais de moi le cruel moment de la résignation.  Quelle tâche ardue que de se délester de certains de mes biens intimes. C’est comme arracher quelques pages d’un livre chéri dans lequel j’avais mis une partie de ma vie, une portion de mon cœur, une quantité importante de mon âme.

 

J’éloignais ce drame le plus longtemps possible. Et un jour…

 

Te dire le bonheur que j’aie ressenti, lorsque dans une malle poussiéreuse, j’ai trouvé, jeté pêle-mêle, tant d’objet hétéroclites et pourtant si signifiants.

 

Une poupée de chiffon m’a particulièrement sauté au visage, toute maigrichonne dans ses vêtements cousus à la main par ma feue cousine Gertrude. Que de vieux souvenirs sont alors remontés à ma conscience. Elle était la pauvre, Guenille de son petit nom de colifichet, emmaillotée dans une nappe de dentelle aux mailles exagérément distendues. Une toile roulée où des craquelures nombreuses se dessinaient, un pastel vernis d’un mainate, assez réussi d’ailleurs, un passereau noir de Malaisie, à bec orangé et à caroncules jaune vif, capable d’imiter la parole humaine.

 

Et que dire, de la petite huche ou maie, dans laquelle ma grand-mère paternelle pétrissait son pain ? Elle l’appelait son auge précieuse. Je l’ai retrouvé tout près de ce coffre métallique, éventré par les ans ? Quoi rajouter, si non que l’usure du temps ne ménage rien ni personne, hélas!

 

Et maintenant, il faudrait bien me convaincre à ne plus résister à faire la maintenance de mon presque éternel jardin, en friche depuis belle lurette.

 

Un grand merci de ton écoute si enthousiaste,

 

Ton ami de longue date,

 

Ambroise de Grands-Prés

 

Avec toute mon affection,

 

Je t’embrasse et m’empresse à grands pas vers mon trépas… en attendant avec langueur une missive de ta plume…

Tag(s) : #Textes des auteurs
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