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Il avait 20 ans ce 2 juillet 1816.

J’en avais 20 aussi, ce 2 juillet 2006 et je me trouvais au Louvre...

Quelques semaines auparavant, j’avais en effet entrepris de faire une recherche généalogique sur ma famille. Et le registre d’état civil de ma commune ne m’avait laissé aucun doute. A la date du 6 août 1821 était enregistré, par le 1er Adjoint de l’époque, l'acte de décès d’Alphonse Servent en 1796 et porté disparu dans le naufrage de la frégate "la Méduse " le 2 Juillet 1816. Le rapport du décès que j’avais sous la main indiquait qu’il faisait partie des 167 hommes d’équipage (sur les 395 hommes embarqués) de la frégate la Méduse, partie le 17 juin 1816 de l'île d'Aix (Charente-Maritime), sous la direction du capitaine de frégate Hugues Duroy de Chaumareys, pour rallier Saint-Louis du Sénégal que les Anglais venaient de restituer à la France après le traité de Paris de 1814.

Je connaissais vaguement le célèbre tableau de Guéricault qui avait  immortalisé ce tragique évènement et je décidais de passer une journée au Louvre devant cette œuvre qui quelque part faisait partie de l’histoire de ma famille, une sorte de photo instantanée d’une époque noire et ténébreuse, un scandale qui avait pris une dimension politique ; en effet le naufrage de La Méduse résultait de l'incompétence d'un capitaine revenu à son poste par faveur politique...

Me voici donc au Louvre, assis sur un banc en face de cette toile gigantesque, ému par l’histoire de ces hommes, et je ne peux que me laisser guider par le pinceau de  Guericault et  imaginer le drâme de cette pyramide humaine qu’il a représentée. Imaginez :  la frégate la Méduse vient de s'échouer sur un banc de sable , suite à une erreur de changement de cap, et pour comble de honte, par beau temps et marée haute... un radeau est alors construit car les trois chaloupes et les autres petites ne peuvent contenir que 250 personnes alors que 395 sont présentes à bord. Ce sont donc 139 marins et soldats qui s'entassent sur le radeau long de 20 mètres et large de 10 mètres avec peu de vivres. Lorsque l'amarre avec les autres canots se brise ou est volontairement larguée, le commandant laisse les passagers du radeau livrés à leur sort. A bord du radeau la situation devient très vite dramatique. Le manque de vivres et le désespoir entraînent des scènes de violence. Certains soldats tentent de s'emparer des vivres par la force et de tuer d'autres passagers qui résistent. D’autres deviennent même cannibales. 12 jours plus tard l'embarcation est découverte avec 15 personnes survivantes. C’est précisément cette scène là que décrit le peintre, scène qui lui permettait d'introduire une note d'espoir dans la composition et de jouer sur la variété des attitudes des personnages : des corps allongés dont la couleur verdâtre des peaux nous laissent à penser que ce ne sont plus que des cadavres, un père tient le corps sans vie de son fils contre lui. Son visage exprime le désespoir le plus total. Les personnages du milieu sont assis ou avachis, dans des attitudes d'agonie. Les plus vifs ont aperçu le bateau au loin et leurs corps se tendent vers cet espoir. Enfin, l'homme noir situé au plus au fond de la composition est debout, juché sur un tonneau, et agite un tissu rouge et blanc...

Je ne sais pas si mon aïeul faisait partie des personnages du radeau où si il faisait partie des 5 hommes étant restés sur la frégate et retrouvés complètement fous et proches de la mort… mais ce que je sais c’est que deux siècles d’écart nous séparent, et pourtant je ressens comme lui le même sentiment d’abandon devant les couleurs froides, terreuses, et funèbres  du «radeau de la Méduse » de  Guericault.

Cliquez ici pour voir le tableau

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