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Il était une fois une jolie jeune fille brune aux yeux bleus qui exerçait depuis peu le métier de médecin généraliste. Elle avait grandi dans un petit village entre sa mère, féministe endurcie, qui l'avait élevée seule, et sa grand-mère, une charmante vieille dame très gourmande à laquelle elle allait régulièrement rendre visite dans sa maison située un peu plus haut dans la rue. Connaissant le petit travers de la grand-mère, la mère de Scarlet, c'est ainsi que se prénommait la jeune fille, ne manquait jamais de remplir un panier de pâtisseries et autres friandises qu'elle confiait à Scarlet lorsque celle-ci annonçait qu'elle allait voir sa grand-mère.

Scarlet avait suivi avec succès des études de médecine et ouvert un cabinet dans le village.

Comme tous les jours, son dernier patient ayant quitté le cabinet, elle s'apprêtait à partir faire ses visites. En passant devant le comptoir de l'accueil elle lança :

- Cendrillon, j'y vais. Comme d'habitude, en cas d'urgence tu m'appelles sur mon portable.

- OK, Scarlet. Bonne journée, à demain.

 

Elle avait embauché Cendrillon pour la sortir d'un mauvais pas. Celle-ci avait épousé un beau et richissime entrepreneur de la région avec qui elle avait vécu heureuse de nombreuses années. Seule ombre au tableau, elle n'avait pu lui donner l'héritier dont il rêvait tant. Las d'attendre, il avait fini par faire un enfant à sa très jeune assistante qu'il épousa après avoir divorcé et jeté Cendrillon à la rue. Scarlet, très peinée par sa situation, l'avait immédiatement accueillie chez elle. Après l'avoir aidée à sortir de la grave dépression dans laquelle elle s'était enfoncée, elle lui avait tout naturellement offert de devenir secrétaire médicale, tâche dont elle s'acquittait avec beaucoup de talent.

Elle enfourcha son scooter rouge framboise assorti à son casque et se dirigea vers la maison de retraite. Après avoir pris la tension et écouté le cœur et les confidences de quelques charmants petits vieux elle alla frapper à la porte de sa résidente préférée :

- Bonjour Mère-Grand, comment vas-tu aujourd'hui ?

Un sourire éclaira le visage de la vieille dame :

- Bien ma petite chérie, et encore mieux quand tu franchis cette porte.

 

A force de gourmandise, sa grand-mère était devenue obèse et diabétique et Scarlet avait réussi à la convaincre de s'installer dans cette maison de retraite médicalisée qui lui offrait tous les soins et l'attention dont elle avait besoin. Cette situation n'avait en rien entamé sa joie de vivre qui rejaillissait sur les autres pensionnaires.

Elles discutaient pendant que Scarlet auscultait sa grand-mère.

- Tu m'as apporté les macarons que je t'ai demandés, ma chouquette ?

- Mais non, mamie, tu sais bien que c'est interdit !

- Justement, c'est encore meilleur depuis que c'est interdit... Elle fit semblant de geindre : Oh, tu n'as donc pas pitié de ta vieille grand-mère ?

Scarlet éclata de rire :

- Allez, ça suffit, tu devrais avoir honte, vieille coquine ! Bon, j'ai encore un malade à voir. Dimanche je t'apporterai un petit gâteau, promis.

- Elle l'embrassa et quitta la résidence.

Son dernier patient habitait un joli petit pavillon planté au milieu d'un jardin dont on devinait qu'il avait été autrefois entretenu avec soin.

C'est le Prince Charmant qui lui ouvrit la porte :

- Salut, Scarlet, ça va ?

Elle l'embrassa sur la joue en entrant :

- Dis, tu piques ! Tu pourrais te raser de temps en temps.

- Ouais, ouais, c'est prévu...

Il faut bien reconnaître que le prince n'avait plus de charmant que le nom. Certes, il était encore assez beau gosse, mais depuis le départ de Blanche-Neige il s'était méchamment laissé aller. Les choses avaient bien changé depuis le jour où il avait enlevé Blanche-Neige sur son blanc destrier.

Tout d'abord, des placements boursiers aussi hasardeux que malheureux l'ayant ruiné et dépossédé de son royaume, Blanche-Neige et lui furent contraints de retourner vivre chez les sept nains. Ce revers de fortune combla d'aise ces derniers puisqu'il leur rendait leur fée du logis bien-aimée. Puis, la mine ferma, transformant du même coup les sept nains travailleurs et attentionnés en pré-retraités oisifs et encombrants. Ils découvrirent avec volupté les joies de la grasse matinée et du farniente vautrés sur les canapés à regarder DVD et matches de foot en compagnie du Prince Charmant, tout en sirotant des bières. Pour faire bouillir la marmite, Blanche-Neige se mit à chanter dans les cabarets des environs. Elle révisa son répertoire et troqua « Un jour mon prince viendra » contre « Cendrillon » du groupe Téléphone.

Un soir, rentrant plus tôt que prévu elle trouva son prince au lit avec la Feignasse Qui Fait Rien Qu'à Dormir. Ce fut la goutte d'eau. Elle prit ses cliques et ses claques et se retira dans un ashram pour y pratiquer yoga et méditation, laissant derrière elle un prince penaud et des nains désemparés.

La maison sans elle devint vite un taudis et c'est comme ça que Grincheux roula sur une canette de bière vide et tomba violemment à la renverse.

Scarlet diagnostiqua une sciatique et prescrit à Grincheux une série de piqûres anti-inflammatoires. Quant aux autres, elle leur suggéra d'apprendre à se servir de l'aspirateur et de retrouver le chemin de la salle de bains.

 

Sa dernière visite terminée, elle allait maintenant rejoindre son chéri. C'était en fait son amour de jeunesse, que les années de fac avec leur cortège de soupirants n'avaient pu lui faire oublier. Ils avaient dû se séparer au début de ses études car il avait développé un trouble du comportement alimentaire extrêmement invalidant et très dommageable pour ses amis, que, par la force des choses, il ne gardait jamais très longtemps. Lorsqu'il était en présence de Scarlet, ces accès de boulimie cédaient la place à des phases d'anorexie sévères, tant il était terrorisé à l'idée d'avaler tout cru l'amour de sa vie. N'y tenant plus il avait pris la décision de se faire hospitaliser, avec l'accord de Scarlet, afin de venir à bout de cette terrible maladie. Ils s'étaient retrouvés un soir d'halloween, au cours d'une fête à laquelle elle s'était rendue déguisée en loup, et lui, en petit chaperon rouge. Ils avaient devisé tout d'abord très poliment : elle, lui demandant des nouvelles de sa santé, lui, s'excusant encore d'avoir essayé de dévorer sa grand-mère. Et deux ou trois banalités plus tard ils étaient tombés dans les bras l'un de l'autre, se jurant de ne plus jamais se quitter.

 

Elle gara son scooter, s'engouffra dans le hall de l'immeuble, ajusta sa coiffure en passant devant le miroir et se précipita dans l'escalier, trop impatiente pour attendre l'ascenseur.

Arrivée devant la porte, un peu essoufflée elle sonna et entendit crier :

- C'est ouvert !

Elle entra et referma la porte derrière elle, puis posa son casque et son sac.

- Où es-tu .....?

- Dans la chambre.

Frémissant d'impatience elle approcha à pas de loup et poussa la porte de la chambre.

Wolfie l'attendait, étendu sur le lit King Size, les mains croisées derrière la tête, les babines retroussées en un sourire canaille.

- Waouh, mon loup, mais c'est énorme !

- C'est pour mieux te combler, ma douce ! Viens donc me rejoindre sous la couette, ma beauté, on va tester ça tout de suite. Mate un peu l'engin : home cinéma écran plasma 126 cm, son dolby surround.

Elle laissa tomber sa robe à ses pieds, offrant au regard enchanté de Wolf une guêpière écarlate qui mettait en valeur sa peau mate.

- Ouuuuuh, tu es belle à croquer mon cœur !

Scarlet prit son élan pour se jeter à califourchon sur Wolf en lui répondant :

- C'est pour mieux te séduire, mon loup adoré ! »

 

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