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C’était mon premier roman accepté par un éditeur… Il m’avait demandé de faire de la promotion. J’acceptais avec beaucoup d’appréhension, car j’étais mal à l’aise pour parler en public. De plus, j’allais avoir devant moi, des lecteurs qui avaient délié leur bourse pour lire ma prose et j’ignorais de quel capital de sympathie je pouvais bénéficier. Bien que j’avais des raisons de me gausser devant tous les malfaisants qui doutaient de moi, je n’en étais pas moins anxieux pour la suite. J’étais très mal à l’aise. Un trac énorme m’envahissait un peu plus de jour en jour, d’autant que l’échéance se rapprochait…

 

Ils me dévisageaient tous les quatre avec une telle curiosité, une attention si ravie et si intriguée que je fermai les yeux pour ne plus les voir.

J’étais venu présenter mon nouveau bébé devant une classe de troisième au collège de la ville. J’y avais été un peu contraint. Sophie, le professeur de français que je connaissais par une amie avait usé de tout son zèle pour me convaincre. J’avais fini par accepter en feignant d’en être ravi.

 

Comme à l’habitude, le professeur me présenta à l’auditoire, ainsi que le livre. La classe était composée d’une trentaine d’élèves, dont on voyait bien, dès le début, que certains manquaient de motivation pour le sujet de la discussion. Ils regardaient sous leur bureau ou plutôt sur leurs genoux les SMS qu’ils envoyaient probablement à leurs copains et copines. D’autres regardaient le plafond en baillant aux corneilles. Mais le silence régnait ; c’était réconfortant pour moi qui n’avais pas l’habitude de ce genre d’exercice.

 

Il fallait que quelqu’un se jette à l’eau, c’est le professeur qui se lança.

 

– Le roman que vous nous présentez aujourd’hui est un polar, écrivez-vous également dans un autre registre ?

 – Non, c’est toujours du polar, là c’est un roman, mais j’écris aussi sous forme de nouvelles. Mon éditeur aime moins. Je crois qu’il les accepte faute de mieux.

 – et le mieux c’est quoi ?

 – un roman bien sûr

 

Le premier jalon était planté. C’est à ce moment que le Professeur invita la classe à se lancer dans les questions et quelle ne fut pas ma surprise à ce moment d’entendre ou plutôt de ne plus rien entendre du tout dans la classe pendant au moins cinq minutes !

J’observais le professeur avec attention. Elle tournait la tête en tous sens, l’index levé pour détecter dans la masse un bras timide, hésitant encore à se lever. Mais nos auditeurs du jour, tout en paraissant attentifs restaient figés et silencieux sur leur siège.

 

– alors les enfants, que vous arrivent-ils. Vous n’arrivez plus à parler ? Vous êtes pourtant bavard habituellement !

Je voyais bien l’embarras du professeur, qui tentait de faire intervenir quelques élèves dont elle devait connaître l’intérêt pour le sujet. Les tables se trouvaient réparties en quatre rangées qui nous faisaient face. Du fond de la classe trois jeunes gens se levèrent et avancèrent vers les trois premières places au grand soulagement de ceux qui s’y trouvaient et qui durent faire le déplacement inverse. Ainsi, j’avais certainement devant moi les meilleurs éléments. Il s’agissait de trois garçons et d’une fille.

 

Je les sentis quelque peu flatté d’avoir été propulsé sur le devant de la scène. Pourquoi s’étaient-ils mis à l’arrière dès le départ ? Ils semblaient même fiers. Ils devaient considérer cela comme une promotion ; d’autant que le mutisme général de la classe persistait. Tout désormais, reposait sur leur prochaine intervention …

De fait, j’eus la crainte à ce moment là, d’avoir devant moi une batterie de mitrailleuses. Tous les quatre me regardaient avec de grands yeux ronds. Après la période de silence qui m’avait offert un court répit, je devais faire face. Je me retrouvais en position centrale. Ils étaient là pour me voir et me cribler de questions ! Contrairement à eux tout à l’heure, il était inutile que je me retourne, personne ne me viendrait en aide.

 

J’étais un peu paniqué, une peur indicible de ne pas pouvoir répondre à leurs questions. J’avais affaire aux seuls vrais intellos de la classe. Ils n’avaient pas tous les quatre la même allure. À leur tenue vestimentaire, je supposais que la fille et deux des garçons étaient des enfants issus de familles aisées, alors que le quatrième, un garçon qui – je l’appris par la suite – s’appelait José, était habillé de manière très ordinaire.

 

C’est lui, qui ouvrit les hostilités et bien que ce ne fut pas en soi une agression, le trac probablement de se lancer me le fit percevoir comme un peu arrogant, alors que dans la réalité, il ne l’était probablement pas.

 

– avec quoi écrivez-vous : stylo, stylo-plume, crayon de bois ou ordinateur, intervint-il ?

 – je n’ai pas de rituel particulier, si c’est ce que vous voulez savoir. J’utilise un peu tous les procédés suivant l’endroit où je me trouve. Mais de toute façon, je termine par l’ordinateur qui me sert en même temps à réécrire le texte une énième fois.

 

Je percevais à la lumière de cette première question, très commune que ce qui primait le plus aux yeux des lecteurs quels qu’ils soient, c’était de savoir comment les écrivains parvenaient à trouver l’inspiration pour écrire.

 

J’avais bien imaginé ! La jeune fille qui me posa la question suivante était celle qui, à l’appel silencieux de son professeur, était remontée du fond de la classe.

Elle s’appelait Jessica. Était-ce la timidité qui la privait d’un sourire, que l’on devinait pourtant charmant, sur son visage de poupée Barbie ? Quand elle m’annonça en préliminaire, qu’elle venait de lire mon bouquin, j’en fus évidemment flatté. Tellement que je me surpris à me redresser sur ma chaise où j’avais du m’avachir un peu et si j’avais eu une cravate, je crois que je l’aurai resserrée pour la forme. Jessica se lança

 

 – j’ai lu votre livre. Vous l’avez qualifié de polar, moi j’y ai plus vu un thriller ! Il y a des morts tout le long avec un personnage principal qui se met en danger sans arrêts !

 

J’étais un peu pris de court par cet avis aussi tranché et c’est Martial qui coupa court à ma réponse qui tardait, en intervenant :

 – Moi, j’ai trouvé que l’enquête était un peu légère et je n’ai pas compris pourquoi l’enquêteur agissait quelque fois à contre-courant !

 

Alors que je pensais être sauvé par l’intervention de ce garçon d’apparence assez sympathique, son intervention me jetais en plein désarroi…

 

C’est à ce moment que je crus entendre une voix me dire : qu’est-ce qu’il y a… encore un cauchemar ? Renvoyant le drap et la couverture de côté, je me redressais dans mon lit, les yeux hagards et les cheveux en pétard, mon cœur battait la chamade. J’étais essoufflé comme si j’avais couru. Ma compagne qui venait d’être réveillée en sursaut, me regardait avec des yeux probablement aussi abrutis que les miens. Je transpirais affreusement. Une migraine terrible m’enserrait le crâne, me donnant l’impression d’avoir la tête coincée entre les mâchoires d’un étau.

 

Je devais me rendre à l’évidence… ce n’était qu’un rêve qui venait de virer au cauchemar !

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