Lucie avançait à pas mesurés, un peu serrée dans son manteau rouge ceinturé de noir qu’elle affectionnait ; il lui avait toujours porté chance du moins elle le croyait. Elle avait rendez-vous avec ce presque inconnu rencontré, alors qu’épuisée par une journée particulièrement éprouvante, elle s’était accordée une pause et offert un verre dans un bar proche du palais de justice où elle était juge d’instruction. Ils avaient plus que sympathisé mais ne s’était pas revus…. Ce qu’elle savait de lui : Gordi, diminutif de Guillaume et expert comptable confidences faites entre deux étreintes torrides.
- « Vous êtes enceinte Madame » lui avait annoncé le médecin ! Cette phrase résonnait dans sa tête depuis trois mois. Quels idiots, aucune précaution…
Elle avait accusé le coup ; peu d’amies à qui se confier, puis renvoyée à sa propre enfance, un peu chaotique, elle accepta ce merveilleux cadeau ; un enfant ! Elle pensait enfant pas embryon, pas fœtus, Enfant. Cela lui redonnerait l’élan pour continuer à vivre ; cette vie fichue après la trahison de son compagnon, celui qu’elle avait choisi croyait-elle pour toujours. Mais amour ne rime pas forcément avec toujours !
Elle rencontra le géniteur malgré lui pour l’informer, lui expliqua qu’elle n’attendait rien de lui, qu’elle assumerait seule cet enfant mais qu’il était normal qu’il soit au courant de cette paternité… Le pauvre tombait des nues, il était tard ce soir-là et s’il reconnut Lucie, il ne réalisa pas vraiment ce qu’elle lui racontait. Il bredouilla quelques mots et referma la porte. D’ailleurs il était en charmante compagnie !
Les semaines passèrent, puis Lucie reçut une lettre du père qui souhaitait la rencontrer pour discuter de cet évènement. Dans un premier temps, elle refusa tout net surtout parce qu’elle ne voulait pas lui imposer cet enfant qu’elle seule avait décidé de garder. Puis elle accepta de lui parler au téléphone deux ou trois fois. Gordi ne s’était pas vraiment préparé à être père mais il devait prendre aussi ses responsabilités et ils devaient en discuter ensemble.
Vingt six jours pour revivre ; Lucie avait lu cet article dans une revue qui traînait chez le médecin. C’était le temps que Lucie s’était accordé ; vingt six jours pour réfléchir et décider de leur vie, à lui, ce bébé, à elle, à eux. Vingt six jours pour revivre ?
Lucie marchait fébrilement. Puis relevant la tête, ses longs cheveux blonds rejetés en arrière à l’approche du café, elle fut sûre qu’elle avait pris la bonne décision. Elle lui donnerait une chance d’entrer dans leur vie.