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Partie 1 :

 

Il fait nuit. Elle vient de contourner l'immeuble et la pluie battante colle ses cheveux dénoués dans son dos. Elle accélère le pas, rentrant ses épaules. Derrière elle, une ombre coule, inquiétante, et mêle à la pluie des gouttes acides. Une aigreur soudaine lui donne un haut-le-coeur et elle s'arrête un instant pour reprendre son souffle.

Elle pose sa main sur son estomac, essoufflée, abattue.

Sa chemise blanche plaquée par endroit dévoile ses seins fatigués, secoués de palpitations incontrôlables.

Bouche grande ouverte, elle semble crier, mais aucun son ne sort. Ses yeux sont étrécis par l'eau et la peur. Au loin – oh ! Si loin ! - un établissement est illuminé, qu'elle regarde avec espoir.

Son enseigne perce l'obscurité comme deux yeux d'or.

Un restaurant.

Une rue, des trottoirs, encore une rue.

Elle accélère le pas vers les yeux.

L'ombre se rapproche. Une sirène mugissante, au loin, derrière elle, semble indiquer un accident. Elle tend l'oreille, tourne la tête, fait la grimace, accélère encore le pas. Soudain, un chat malingre, semblable à un diable, sorti de nulle part, se jette dans ses jambes. Elle butte et trébuche, donne du moulinet avec les bras, dodeline grotesquement de la tête, et s'étale de tout son long sur le macadam mouillé.

Elle vient cogner du menton contre le goudron, et s'enfonce des gravillons dans le tendre de sa chair. Une lumière clignotante se rapproche, se stabilise à sa hauteur : deux hommes sortent de la camionnette, la ramassent, l'allongent sur le brancard. Son corps trempé et meurtri s'enfonce, tandis que le chat s'étire en baillant et repart vers sa chasse nocturne.

Il ronronne.

 

Partie 2 :

 

Mais purée où est-il passé ! Trempée, chemisier collant sous la pluie, à chercher mon matou.

Je l'avais bien caché, pourtant, dans l'armoire !

Ils ne veulent pas d'animal, mais j'm'en fous. Je l'ai caché. Personne ne sait qu'il est là.

Hé! Hé! Hé !

Ah ! Un restaurant. Au loin. Illuminé. Les yeux dans la nuit.

Mais c'était un simple accident ! L'autre, le noeud-noeud (comment il s'appelle déjà ?) a voulu voler mes boules quies et a laissé la porte de l'armoire ouverte. Mon chat s'est barré. Passé par la fenêtre.

J'ai suivi.

Et me voilà en sueur, en pleine crise de palpitations, l'esprit aussi dénoué qu'avant la cure. (j'ai pris mes cachets avant de partir ?)

Il me suivrait pas, le noeud-noeud ? L'est bien assez fada pour être sorti aussi.

Minet, minou, minet !

Qu'est ce qu'ils m'ont donné ce midi pour avoir autant d'aérophagie. J'ai l'estomac... pfiou ! Une vraie bonbonne de gaz.

Je rote, mon dieu ! Qu'est ce que je rote !

Minet, minou, minet !

Comment il s'appelle, le matou, déjà ?

Je me souviens plus. Une petite bête noire, malingre aux yeux orange.

Je vais longer l'immeuble. Faut pas que je me perde, ils sont tous semblables.

On est dans Brazil.

J'entends même la musique.

Monsieur Tuttle ? Monsieur Tuttle ? (Ah ! C'est le nom de mon chat, qui vient de me revenir)

Mais qu'est ce qu'il est con, bordel ! Il m'a fichue au sol. Eh beng, le menton. Ah alors là, je vais être décorée. Plus moyen de passer inaperçue.

Quel choc, tout de même. Restaurant, rues, immeubles, chats... ça tourne.

Monsieur Tuuuuuuttle !

Les infirmiers psychiatriques arrivent.

Ils m'attrapent par les aisselles et me couchent dans l'ambulance.

Monsieur Tuuuuuuuttle !

Va au diable, saleté !

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