L'autre jour ou était-ce simplement hier ou ce matin encore? En fait, ce n'est plus très important. Ne sommes nous pas maintenant !
Mes mains cherchent, se trémoussent d'une envie irrésistible.
En quête de je n'sais quoi, elles farfouillent au risque de se perdre au fond d'une vieille malle en fer, toute de rouille peinte au fil des années qui passent en l'instant d'un soupir.
Heureux hasard ou simple nécessité? Je ne saurais trop vous dire.
Ce que je sais, je le sais. Et voilà qu'elles s'anoblissent, engorgées d'un flux de sang nouveau. Elles se font pulpeuses au contact chaleureux de l'objet reconnu. Fortes d'une assurance retrouvée, elles palpent avec une passion insatiable les rondeurs connues. Elles se font gourmandes. Curieuses, elles se laissent glisser à s'en émerveiller le long du tracé sinueux. Elles reconnaissent les courbes généreuses de la figurine. Elles s'abreuvent comme à une fontaine de jouvence au plaisir de toucher ce visage d'ébène.
Certain, convaincu par tant de minutieuses palpations, je retrouve intact le visage d'ébène taillé dans le tronc du bois de l'oubli.
Je jette alors les yeux vers le miroir accroupi près du vieil orgue.
Ma mère en joua jusqu'à son dernier souffle… Et il fut terriblement long à venir. Pour tout dire, je croyais qu'il ne viendrait jamais.
En haut, dans le grenier à l'air vicié, par la lucarne biscornue entrouverte, un souffle chaud vient caresser mon visage. Je revois le sien, lorsque nus sur le sable blanc de cette plage déserte, nous nous laissions bercer au gré du temps qui passait.
Comme se tournaient les pages de notre idylle éphémère, aux îles Caïmans, cet été de 1919.
Tant de souvenirs remontent alors à mes lèvres, y laissant une délicieuse saveur au goût de notre jeunesse si vite disparue. Un vibrato s'évade jusqu'à mes oreilles encore orgueilleuses de la fluide musicalité de ce monde infini. Des notes frétillent jusqu'à mes tympans, qui se laissent vibrer dans une danse aux voluptueux canevas entrelacés. Des rythmes endiablés s'évertuent à m'émouvoir. À me faire pleurer. À me fendre le cœur et l'âme telle une lame qui pourfendrait cette arabesque sensuelle de chassés-croisés interminables. Et Dieu seul sait que j'aurais tant désiré qu'il ne cessa jamais.
Hélas ! La vie est ainsi faite. Rien ne se perd, rien ne se créer.
Tout est semblable en bas à ce qui est en haut. Rien ne vaut plus que la somme de son tout. Et chaque geste, chaque regard, chaque baiser et chaque main tendue, ne le fut point en vain.
Merci à toi, que j'ai laissé partir un soir de brume, alors qu'un croissant de lune tardait à réchauffer la plaie béante qui suintait à mon côté.
Un jour, avant que je ne disparaisse à jamais, elle viendra peut-être sécher les perles d'amour qui encore parfois, s'écoulent le long des plis racornis de mes joues rougies au soleil de minuit.
Je t'aimerai encore et toujours.
Ton Bien-aimé