Il revient tous les soirs, parfois toute une fin de semaine. Je le sens, halité, qui se se couche à mes pieds comme une ombre, et puis qui m'enveloppe tout entier dans sa gangue étroite et dure.
J'allume la radio et j'écoute son brouhaha quelques secondes. Il s'envole alors, surpris, comme un cafard par la lumière et puis il revient quand il sent que je n'entends rien de ce que les voix étrangères me disent au travers des ondes. Il revient tout entier, comme une nuée, avant même que je n'ai eu le temps de basculer le bouton de la radio au lecteur CD.
Beethoven monte haut dans mon cœur aussitôt, ou alors c'est Juliette Gréco qui me prend à bras le corps. Cette musique, cette voix, est plus humaine à mon cœur que la voix du quotidien, monotone ou survolté d'un quelconque animateur. La nuée se disperse à son contacte, une bulle d'air frais et apaisant m'entoure et me protège. Il se retire et il revient dans les pauses, comme la mer, flux et reflux des vagues d'angoisse. Il s'en va loin, très loin et emporte tout avec lui, le froid le chaud, le bien le mal, l'ombre la lumière quand dure le solo ou s'éternise le leitmotiv. Je suis seul alors, mais je n'ai pas peur, tous mes sens sont pleins et je rayonne de joie.
Et puis, quand le disque est fini, il est là, toujours, le silence.