J’étais toute petite quand j’entendais la voix si particulière de Mouloudji qui chantait « Comme un p’tit coquelicot, j’avais des frissons. Je ne comprenais pas tout dans la chanson mais je savais que cette fleur si simple et si belle était signe de douleur. Je me rappelle que le coquelicot était avec la marguerite les seules fleurs que j’avais le droit de cueillir. Nous courions avec mon frère dans les prés. Nous, les enfants, le jardin ne nous passionnait pas vraiment mais dans le milieu des années 1950, nous avions la chance de pouvoir partir en voiture, certes une guimbarde, pour nous rendre à quelques kilomètres de Lyon où mes parents louaient un petit terrain. Mon père fou de jardinage bêchait, semait plantait et récoltait.
J’ai pour la première fois vu un coquelicot en vrai… Ce rouge m’attirait et cette corolle ouverte au centre noir me rappelait nos genoux écorchés, couronnés et barbouillés de mercurochrome que nous exhibions comme des blessures de guerre dans les cours de récréations. Chaque éraflure donnait naissance à ce que j’appelais des bobos coquelicot.