Elle arrive chez elle avec quelques heures de retard. Elle inventera une excuse pour se justifier. Organiser une surprise pour sa famille et garder le secret s'avère plus ardu qu'elle ne le croyait. Elle ne leur révélera pas qu'elle a passé la journée entière à visiter différents établissements pour dénicher celui qui correspondra à l'ambiance rêvée. On ne souligne pas tous les jours un tel événement. Elle franchit le seuil de la maison, nerveuse et fatiguée, ses recherches n'ont pas engendré les résultats escomptés. Son budget, réalise-t-elle, est insuffisant pour donner à cette fête l'éclat qu'elle souhaite. La tête remplie de toutes ces préoccupations, elle monte à l'étage et se dépêche de ranger la pile de documentation recueillie au fil de ses visites. Redescendue, elle découvre autour de la table de cuisine, son mari et ses 4 enfants qui s'empressent, tous en même temps, de réclamer les raisons de son retard. Les enfants se plaignent qu'ils ont faim, son mari qu'il sera en retard à sa réunion hebdomadaire et même Ben, le chien, s'excite, saute et jappe. La cuisine est sans dessus-dessous. Rien pour l'aider à retrouver son calme. Elle réussit pourtant à enfiler sur son visage fatigué une expression inquiète et s'assoit. Elle leur expose l'alibi qu'elle a savamment inventé pour ne pas leur révéler la vérité. Elle déclare avoir passé l'après-midi au chevet de sa mère qui s'est levée ce matin mal en point et qui a réclamé ses soins. Une journée entière à jouer l'infirmière. Elle n'a pas vu les heures passer, n'a pas pensé à leur donner un coup de fil ou leur laisser un message. Sa mère l'a tenue en haleine mais elle se veut rassurante, cette dernière se porte beaucoup mieux et d'ici quelques heures, aura retrouvé sa vigueur habituelle.
Elle leur concocte un souper en un temps record. Aussitôt les assiettes vides, son mari annonce qu'il doit déguerpir s'il ne veut pas être le dernier arrivé à la réunion. Il lui suggère de déguster une bonne tasse de thé chaud pour se détendre après la journée qu'elle a eue mais avant même qu'il n'ait eu le temps de quitter, le carillon de la porte d'entrée résonne dans toute la maison. Alexis, le benjamin, se précipite pour ouvrir et se retrouve nez à nez avec deux policiers qui demandent à voir ses parents. Elle s'avance au salon suivie de son mari sur ses talons. Elle comprend au regard des deux hommes qu'ils ne sont pas là pour quelques peccadilles insignifiantes. Un des policiers lui demande si elle est bien la fille de Juliette Marceau qui habite au 4138 rue L'Espérance? « Oui, c'est bien moi » répond-t-elle d'une voix à peine audible. Il lui apprend que sa mère a été retrouvée cet après-midi vers 14H45 gisant dans une mare de sang, sur le plancher de cuisine de son appartement, un poignard planté dans la poitrine. Elle tenait dans sa main droite l'appareil téléphonique qu'elle avait utilisé pour appeler les services d'urgence. Elle a tout juste eu le temps de prononcer le prénom de sa fille avant de rendre son dernier soupir.
Ses quatre enfants et son mari la dévisagent tandis que ses jambes n'arrivent plus à la soutenir. Elle s'évanouit