Notre homme était encore profondément endormi lorsque son réveil sonna, il était 9 heures !
Depuis plusieurs mois, le chômage l’avait réduit à tourner en rond dans un petit studio de vingt mètres carrés. Le confort y était rudimentaire. En dehors du nécessaire pour faire un peu de cuisine, un petit lit à une personne, une table en bois blanc et un vieux fauteuil en rotin élimé, c’était tout ce qu’il avait réussi à conserver. Force de la loi, tout ou presque, lui avait été saisit. Trop de dettes …
Il désespérait de trouver du travail, alors tous les matins, il compulsait les petites annonces du journal local. Comme tous les matins, Il enfila son pantalon et sa chemise, mais resta nu-pied. Il avait pris cette habitude, depuis qu’un voisin, avec qui il avait longuement discuté, lui avait vanté la méthode pour rester en bonne santé !
Ainsi, il se dirigea sans hâte vers la porte d’entrée, la boite à lettre y était encastrée. Avant même de l’ouvrir, il tira le rideau le masquant de la rue, jeta un œil dehors. Un frisson lui parcourut le dos, de la nuque au bas des reins, les voitures étaient recouvertes de givre et des stalactites de glace pendaient des gouttières du voisin. Pas étonnant se dit-il le ciel est bleu !
À ce spectacle, il eut un sourire de contentement, il avait fait le bon pronostic ! Si seulement il en était de même pour le boulot. En pensant boulot, il songea qu’il n’avait toujours pas ouvert la boite aux lettres, trop occupé à regarder au dehors. Le journal en main, il alla prendre ses aises dans son fauteuil, levant les jambes à bonne hauteur pour ensuite, les croiser avec décontraction sur la table.
Le 17 de ce mois, ça fera un an qu’il est au chômage ! Il eut beau éplucher toutes les annonces, aucune ne correspondait à son profil ! C’était vrai que « saute-ruisseau » n’était pas une profession très courante ! Arpenter les boulevards, pour aller porter les problèmes au domicile des gens, n’était pas chose facile, mais avec son dernier patron le travail était devenu infernal, il avait toujours la main à son chronomètre et ne cessait de le harceler pour qu’il en fasse plus. Notre homme avait alors donné sa démission, épuisé, lassé de ne livrer que le malheur et les problèmes aux autres. La dernière fois qu’il avait « sévit », c’était à l’encontre d’un type qu’il crut de son âge, il n’avait pas vraiment su, avait-il cherché à savoir d’ailleurs ? Il habitait une pauvre cabane en périphérie de ville. Il semblait vivre avec sa fille, c’était du moins ce qu’il avait supposé, mais la situation inextricable dans laquelle il l’avait trouvé, l’avait laissé pantois. Pourtant il en avait vu d’autres !
Mais là, cette pauvre gamine enturbannée d’un bonnet et d’un polaire qui lui remontait au dessus du nez, pour se protéger du froid, son pauvre doudou : un petit chien à roulettes qu’elle avait installé sur ses genoux, lui fit mal au cœur. La seule richesse qu’ils devaient avoir à eux deux, était un petit collier probablement de piètre valeur, avec en médaillon un petit cœur avec des initiales : VAL ! Il avait laissé le papier officiel, bien forcé, c’était son travail. Mais il avait eu bien du mal à les abandonner. Avant de partir, il avait même sorti de sa poche de manteau, la pomme qu’il emmenait toujours sur lui, au cas d’un petit creux. Il referma la porte de clôture qui était faite de bric et de broc, tenant par des ficelles et de vieilles charnières rouillées. Il salua de la tête le père, jetant un dernier regard à la petite fille, il lui demanda : ton prénom, c’est Valérie ? Il reçut un sourire…